Interview de Daniel Russo : « Donner le temps qu’on a aux gens qu’on aime »
Daniel Russo interprète le rôle de Patrick, dans la comédie “Si on savait”, jouée mardi 25 janvier dans le cadre du festival Humours d’Hivers, à Saint-Dizier. Le comédien, figure emblématique du cinéma et du théâtre, évoque ce rôle et sa carrière.
jhm quotidien : Dans “Si on savait”, vous êtes mort, vous arrivez au paradis. Ça doit faire bizarre comme sensation ?
Daniel Russo : C’est rigolo ! Quand j’ai joué “Toc toc”, de Laurent Baffie, je commençais à me surveiller. J’étais gêné par les tocs, je vérifiais si j’avais bien mes clés, etc. Là, je me suis posé les mêmes questions. Est-ce que j’ai fait les bons choix. Là, le gars (son personnage, ndlr) prend un coup de jus, monte au paradis, et on lui dit : « est-ce que vous changeriez quelque chose ? » Donc on se pose les questions.
jhm quotidien : Du coup, c’est à la fois l’acteur que vous êtes, et votre personnage, qui se disent : « et si c’était à refaire, je ferais comme ça » ?
D. R. : Absolument ! Quand j’ai lu la pièce, j’ai demandé son avis à mon épouse aussi, elle m’a dit « vas-y ». Je ressens toujours ces vibrations personnelles, ces phrases qui me ramènent à ma vie. Je me dis, « là où tu en es arrivé, ne regrette rien ». A chaque fois que je suis allé à un casting où je n’étais pas pris, heureusement, j’avais autre chose derrière. Tout ce qui se dit dans la pièce, ce sont les questions que tout le monde se pose. Ce qui est magnifique, c’est qu’on voit comment auraient été les autres choix. Et ça aurait pu être pire ! (rires) Une dame à la fin d’un spectacle m’a dit « vous savez, cette pièce me donne envie de vivre ». Ça m’a touché. On parle du temps qu’on perd, du fait qu’on ne rit pas assez, des questions que ne servent à rien. Le temps que l’on a, il faut le donner aux gens qu’on aime. Pour cette dame, la pièce a été une révélation. C’est une comédie, mais qui pose des questions.
jhm quotidien : Il y a des similitudes entre votre vie et celle de votre personnage ?
D. R. : Il y a des questions que tu peux te poser, sur des gens que tu as connus. Là, tu sors de la pièce, tu as rigolé mais tu te poses des questions. C’est une comédie avec un fond derrière. Quand on a fait “Toc toc”, on ne se moquait pas des tocs, on en parlait. Moi j’avais toujours un compte précis à faire et une fois, je me suis trompé. A la fin du spectacle, j’ai vu quelqu’un qui avait fait le calcul et qui avait remarqué mon erreur. Il avait le toc des chiffres. Une autre m’a dit « vous m’avez fait rire avec des choses qui me font souffrir ». Dans ce cas, c’est gagné. Là, avec “Si on savait”, on gagne tous les soirs, les gens te parlent d’eux. Une dame m’a dit : « j’ai adoré, je vais régler des choses dans ma vie. Mon beau-frère, qui ne parle que de lui, c’est terminé ! » (rires). Tout ce qui est dit, ce sont les problèmes de tout le monde.
« Un peu d’émotion et beaucoup de rire »
jhm quotidien : Dans cette pièce, vous partagez la scène avec Véronique Genest. Vous l’avez également jouée avec Valérie Mairesse. Est-ce qu’on a les mêmes repères quand un membre du duo change ?
D. R. : Ce n’est pas pareil. Un comédien apporte toujours son savoir-faire et sa manière d’être. Elles sont différentes toutes les deux, il faut accepter le travail d’un autre comédien même avec les mêmes mots. Depuis décembre, on a beaucoup travaillé avec Véronique pour qu’elle s’installe avec nous. Ce sont deux belles comédiennes.
jhm quotidien : Est-ce qu’on est sur du théâtre de boulevard, des portes qui claquent, etc. ?
D. R. : Oui, c’est une belle comédie de boulevard, pour moi, ce n’est pas péjoratif. J’ai adoré Michel Roux, la Compagnie Jacques Fabbri, Michel Serrault, toute cette bande. Cette pièce mélange un peu l’émotion avec beaucoup de rire. Jean-Luc Moreau, il y a tous les ressorts comiques, il est fort ! C’est du bonheur tous les soirs.
“Si on savait”, mardi 25 janvier à 20 h 30, aux Fuseaux. Renseignements et réservations au 03.25.07.31.66.
Nicolas Frisé
La rencontre d’une vie
Acteur de théâtre (depuis 1973) avant d’être une figure du cinéma français (1976), Daniel Russo a toujours joué avec brio et une longévité exceptionnelle sur les deux tableaux. « Fou de théâtre », il était décorateur d’appartement dans l’entreprise de son père quand tout a commencé. « Un jour, mon père m’a dit qu’un client était content de mon travail : c’était Robert Lamoureux, qui m’a invité au théâtre à l’une de ses pièces. J’étais subjugué. C’était la première fois que j’allais au théâtre, j’avais 16 ou 17 ans, j’en ai pleuré. » Pour Daniel Russo, c’est une révélation, il veut lui aussi faire carrière dans ce domaine. Il étudie, apprend des textes et poursuit en parallèle la décoration d’intérieur, « mon texte dans la main, mon crayon dans la bouche ». « Quand j’ai intégré le conservatoire, j’ai appelé Robert Lamoureux, il était heureux comme si c’était pour lui. C’est la rencontre d’une vie. » Daniel Russo a autant d’amour dans ses mots lorsqu’il parle du réalisateur Claude Sautet, de Michel Galabru ou encore, de Bertrand Tavernier.