Incompatibilités – L’édito de Patrice Chabanet
L’affaire des néonicotinoïdes est la parfaite illustration de l’incandescence du débat politique. Pour les partisans du retrait de ces pesticides, point d’alternative : il y va de la survie de la biodiversité, notamment d’un insecte symbole, l’abeille. Pour les tenants de son utilisation, point d’alternative non plus : y renoncer revient à accepter une chute importante de la production des betteraves sucrières et à mettre en péril la vie de tout un secteur économique (des dizaines de milliers d’emplois). Sans vouloir jouer les rois Salomon, chaque point de vue est respectable. Sauf que l’arbitre – le gouvernement, celui-ci et celui qui l’a précédé – a d’abord penché d’un côté avant de se raviser. Une évolution elle aussi respectable car elle a pris en compte un fait incontestable : la recherche n’est pas parvenue à mettre au point un produit de substitution aux néonicotinoïdes. Le prix politique à payer n’est pas mince : Barbara Pompili qui avait promu l’interdiction du pesticide il y a quatre ans a dû manger son chapeau au point de laisser à son collègue de l’Agriculture le soin de faire voter hier le contraire à l’Assemblée.
Cette stratégie en stop and go domine le débat politique dans un autre débat, plus vaste celui-là : comment concilier la lutte contre la pandémie sans porter atteinte à la santé économique du pays ? Durcir le front sanitaire revient à affaiblir les outils de la reprise. A l’inverse, tout miser sur la croissance risque de donner une seconde chance au virus.
Pas de solution idéale, donc, pour concilier l’inconciliable. D’où la nécessité d’un véritable dialogue pour éviter crispations et blocages. « Il n’y pas de problèmes, il n’y a que des solutions », disait André Gide. Cela reste à prouver chez nous…