Méfiance – L’édito de Christophe Bonnefoy
Surtout, surtout, ne pas s’enflammer. Depuis le début de la pandémie, on a un peu tout eu. Le masque qui ne sert à rien. Parce qu’on n’est pas capable d’en fournir suffisamment à tous ? Puis le masque dont on ne doit plus se passer. Parce qu’on ne sait plus par quel bout prendre le problème ? On a eu, également, le professeur qui se pose en sauveur du pays, et pourquoi pas de l’humanité, avant d’être quasiment relégué par la communauté scientifique au rang de vulgaire gourou. Parce que les intérêts sont ailleurs qu’à Marseille ? Allez, rire jaune, on a même vu, de l’autre côté de l’Atlantique, un président à la mèche rebelle prendre le problème par dessus la jambe et affirmer qu’un petit verre d’eau de Javel pouvait aisément régler son compte au Covid-19. On connaît la suite : les Etats-Unis sont parmi les plus touchés par le virus mais, ouf, ses habitants, quoi qu’on en dise, ne sont pas prêts à devenir bêtes au point de boire un poison pour se soigner.
Alors que penser de la Russie, qui affirme avoir découvert le vaccin que le monde entier attend ? Méfiance, méfiance… On a presque envie de dire que c’est précisément parce que Vladimir Poutine en a fait l’annonce en grande pompe que cette information vitale est d’office suspecte. Encore plus, lorsqu’il éprouve le besoin d’ajouter que sa propre fille se l’est fait inoculer.
En vérité, en tout cas pour ce qui est du vaccin, on devine bien que les labos du monde entier ne sont pas en train de travailler uniquement pour la santé des populations. Certes, ils sont pleinement investis dans la recherche du remède. Pour sauver des vies, évidemment. Mais sont, aussi, les acteurs parfois malgré eux d’une course au leadership entre grandes puissances. Pour parler de manière triviale, le vaccin sera synonyme de jackpot. Pour le scientifique qui en sera à l’origine, mais aussi le pays ou la firme qui aura financé son développement.