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Saint-Dizier : diversifier la forêt de Trois-Fontaines pour la regénérer

Johann Guyot montre la trace du champignon qui attaque les hêtres. Ceux-ci ont dû être abattus, soit une perte économique pour l’Etat.

SYLVICULTURE. Le plan de révision d’aménagement 2021/2040 de la forêt domaniale de Trois-Fontaines a été présenté, ce mercredi 19 janvier, à Trois-Fontaines-l’Abbaye. Les agents de l’Office national des forêts ont expliqué leurs objectifs aux élus des cinq communes concernées.

Tous les 20 ans, le plan d’aménagement des forêts domaniales est validé par le ministère de l’Agriculture. Les agents de l’Office national des forêts (ONF) sont chargés par l’Etat de la gestion du territoire de Trois-Fontaines, « un des plus gros massifs forestiers du Grand-Est avec 5 072 hectares, composé essentiellement de chêne sessile, associé avec un peu d’hêtre ». Ils ont donc rencontré, ce mercredi 19 janvier, à Trois-Fontaines-l’Abbaye, les élus des cinq communes qui composent cette forêt : Trois-Fontaines-l’Abbaye, Cheminon, Sermaize, Saint-Vrain et Saint-Eulien.

Les fresnes dépérissent à vue d’oeil dans le massif forestier.

L’inventaire et les études ont démontré plusieurs problématiques. « Nous avons beaucoup de dépérissement depuis l’apparition de maladies comme la chlarose du frêne. 200 hectares sont touchés. Les hêtres disparaissent aussi à cause du réchauffement climatique et d’un champignon. Ils ont besoin d’humidité et d’eau, 400 hectares sont impactés », explique Jean-Baptiste Rovillon, chef du service forêt à l’agence ONF Aube-Marne.

Une population manquante pour la régénération

En outre, il manque une population d’âge sur les chênes, celle entre 50 et 70 ans environ, qui permet à la forêt de se regénérer facilement. « Quand les arbres sont trop vieux, ils sont moins productifs en glands. Quand ils sont trop jeunes, ils ne sont pas encore assez productifs », précise Johann Guyot, garde-forestier à l’ONF. Cette strate manquante n’est pas le fait du mauvais travail de l’entité mais de l’histoire. « On s’est servi des chênes adultes pour faire du bois de tranchée pendant la Première Guerre mondiale, puis on s’en est resservi pour la Seconde. Et nous n’avons pas pu intervenir ensuite dans la forêt car un camp militaire américain s’était installé », relate un agent ONF. Résultat, la forêt, en 2022, n’a plus les moyens de se regénérer.

Selon James Lambert, l’ONF est contrainte de procéder à des coupes radicales quand les arbres sont malades. Des chemins seront à terme mis en place pour ne plus abîmer les sols.

Pour y remédier, l’ONF va devoir replanter mais aussi… faire le ménage. « Les habitants et les gens qui aiment se balader en forêt ne vont pas aimer », anticipe un maire. En effet, si 56 000 arbres vont être plantés à partir de l’an prochain sur 50 hectares, un programme de coupes va être entrepris afin de leur faire de la place. Avec une bonne nouvelle indiquée par l’ONF : « Nous avons étudié le sol. 94 % de la surface présente un potentiel fort pour la régénération ».

Cèdres et pins seront introduits

Une mesure radicale car l’objectif premier du plan reste « la production de chêne sessile avec un gros diamètre, de 1 m à 1,10 m. Mais ça va être compliqué d’obtenir cela avec la hausse des températures », annonce Jean-Baptiste Rovillon. Pour ce faire, l’ONF va se tourner vers deux nouvelles essences : le chêne pubescent et le cèdre. « On va les introduire progressivement », ajoute l’agent, tellement peu convaincu par ses dires qu’il inquiète les élus. « Vous avez l’air très pessimiste, on va pouvoir sauver notre forêt ? », clame l’un des maires.

« Ce ne sera pas simple. Et puis, les plantations ont un coût. Le plan de relance les permet mais c’est cher », lui répond le professionnel, qui prévient que l’on préconise de planter « de plus en plus de résineux. Nous allons aussi tester des douglas, mélèzes et des pins maritimes ». « C’est bien, on aura des incendies », chuchote un maire. « Les gens d’ici n’ont pas l’habitude de voir ça », s’agace un autre élu.

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Les mentalités vont donc devoir évoluer en même temps que le climat. « Nous allons tester les essences et après, nous établirons une liste. Rien n’est encore défini », tente de rassurer Léa Houpert, cheffe de projet aménagement ONF agence Aube-Marne. « Notre métier est encore plus compliqué qu’avant car nous avons une vision à très long terme mais on doit désormais envisager l’imprévisible avec le réchauffement climatique. Notre objectif, c’est de créer une forêt mosaïque et nous sommes obligés de l’artificialiser pour y arriver », concèdent Léa Houpert et Jean-Baptiste Rovillon aux élus, se sentant obligés de se justifier face à beaucoup de scepticisme. L’idéal pour ces agents ONF : « offrir une forêt comprenant 20 essences dont des fruitiers, avec de grandes essences que l’on cultivera ».

Léa Houpert montre un endroit de la forêt qui peine à se régénérer. La surpopulation de gibier attaque les jeunes pousses.

Marie-Hélène Degaugue

mh.degaugue@jhm.fr

Des zones Natura 2000 qui ne suivent pas l’évolution du climat

Le climat change mais l’Etat maintient ses contraintes sur les essences d’arbres, dans les zones Natura 2000, comme s’il n’y avait pas d’évolution, au grand dam de l’ONF. « Dans ces zones, on ne doit rien modifier. Or, à Trois-Fontaines, on observe de gros dépérissement de hêtres. Mais si tout disparaît, que l’on ne peut pas apporter de nouvelles essences, que va devenir cette forêt ? », alerte un agent face aux élus. « Nous ne sommes pas sûrs qu’une regénération naturelle de hêtres va pouvoir se produire avec ce réchauffement climatique ». Sur les 5072 hectares du massif, 3 326 sont classés Natura 2000.

Alors, régulièrement, les agents ONF interpellent l’Etat pour lui soumettre des solutions comme d’introduire de nouveaux arbres. Pour l’instant, en vain.

Au long des pistes, les troncs de hêtres attendent les forestiers.

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