Ruptures – L’édito de Patrice Chabanet
A défi inédit, réponse inédite. La propagation du coronavirus marque une rupture dans la manière de gérer une crise sanitaire et, plus encore, d’envisager la suite de l’histoire. Trop d’incertitudes demeurent, ce qui rend le choix des solutions aléatoire: fallait-il fermer les écoles et maintenir les élections municipales ? Seules les statistiques valideront ou invalideront les mesures annoncées, et certainement pas les palabres sur les chaînes d’info en continu.
La principale rupture n’est pas dans le couvre-feu social qui étreint progressivement les nations d’Europe. Elle est dans la remise en cause d’un certain capitalisme outrancier qui réduit l’activité humaine à des chiffres, au mépris de l’humain. C’est cette idéologie qui a concentré un maximum de production en Chine. C’est plus globalement une grosse claque pour ceux qui ne jurent que par ou pour l’économie. Du coup, des voix se font entendre pour dire que la santé doit échapper aux lois du marché. Elles ne viennent pas de révolutionnaires de gauche, mais d’économistes de droite et… d’Emmanuel Macron. L’idée de l’Etat-Providence revient en force. Si ce n’est pas une rupture, les mots n’ont aucun sens.
Rupture aussi avec la doxa européenne des 3% : la Commission admet enfin qu’il faut sortir de ce corset de fer. Il ne pourra y avoir de relance sans aide massive de l’Etat. Le « quoi qu’il en coûte » macronien fera hurler les intégristes du déficit zéro, mais il constitue une réponse rapide pour éviter une catastrophe économique. C’est ça ou le voyage au bout de l’enfer social.
Rupture enfin avec la crise de 2008. Au bout de quelques mois les mauvaises pratiques avaient repris le dessus. Cette année, la crise sanitaire concerne tout le monde et l’opinion publique ne se laissera pas avoir. Faute de quoi, le système entier pourrait s’effondrer. Les menaces d’écroulement se faisaient déjà sentir avant l’irruption du coronavirus. Maintenant, le Covid-19 est dans la position inquiétante du détonateur.