Au son du canon – L’édito de Patrice Chabanet
On le sentait venir depuis quelques jours. Le gouvernement a sorti la grosse artillerie pour faire passer son texte sur la réforme des retraites. Il enclenche le 49-3. Riposte immédiate et attendue de l’opposition : le dépôt d’une motion de censure qui n’a aucune chance de trouver une majorité. Rien d’illégal en cela ; le 49-3 fait partie de l’arsenal de tout gouvernement en place et l’opposition est dans son rôle quand elle dépose une motion de censure.
Plus que la lettre de la loi, c’est l’esprit qui compte. Et c’est là que le bât blesse. En pleine tourmente sanitaire, les Français sont mobilisés par le coronavirus. Autant dire qu’ils ne mettent pas au cœur de leurs préoccupations les débats désordonnés à l’Assemblée. Le gouvernement en était certainement conscient. Cela dit, faire passer une loi au son du canon n’est pas très glorieux, surtout quand on sait qu’il s’agit d’un texte majeur et que l’opinion publique n’y est pas favorable.
L’opposition n’est pas innocente pour autant. La stratégie de la France Insoumise était seulement destinée à faire de l’obstruction. Les milliers d’amendements qu’elle a déposés n’ont pas fait avancer le débat d’un iota et ont surtout donné l’impression d’une mise en scène. Que maintenant les oppositions les plus systématiques crient au coup de force gouvernemental a quelque chose d’insolite. C’était la suite logique de la guérilla menée depuis plusieurs jours à l’Assemblée.
L’exécutif a gagné sur le papier, mais le combat continuera sous d’autres formes. Le texte, on le sait, est loin d’être parfait. Son application risque de révéler des incohérences et des absences. En d’autres termes, le débat avorté à l’Assemblée ne laisse que des perdants : l’exécutif contraint de passer en force et les oppositions condamnées à déposer une motion de censure, pure formalité, vouée à l’échec.