Désaveu – L’édito de Patrice Chabanet
L’avis du Conseil d’Etat sur le projet de réforme des retraites n’est pas une bonne nouvelle pour le gouvernement. Officiellement, il s’agit d’un conseil, mais les nombreuses critiques qui parsèment l’avis constituent, sinon un réquisitoire, du moins un sérieux désaveu. Les mots employés tiennent de l’euphémisme, mais la réalité est plus dure. Les éléments « lacunaires » du texte gouvernemental renvoient tout simplement à des trous dans le projet qui sera présenté devant l’Assemblée nationale. Le Conseil d’Etat souligne aussi la complexité d’une réforme qui aurait mérité une meilleure préparation, surtout quand elle est destinée à être appliquée pendant plusieurs décennies.
Inutile de dire que l’opposition s’est engouffrée dans la brèche ouverte par le Conseil d’Etat. Elle y voit le soutien implicite au combat qu’elle mène depuis pratiquement deux mois. Certes les constitutionnalistes ne mettent pas en cause le projet en tant que tel, mais ses insuffisances et ses imprécisions. Le gouvernement est sommé, qu’il le veuille ou non, de revoir sa copie. Autant dire que sa tâche sera ardue. La France insoumise a déjà annoncé le dépôt d’une motion de censure. Elle a peu de chance de passer compte tenu de la large majorité dont elle dispose à l’Assemblée, mais le débat risque d’amplifier ce qui se passe dans la rue. Jean-Luc Mélenchon, lui, voit plus loin. Il veut « chasser » Emmanuel Macron du pouvoir en 2022. Une façon de faire passer le dossier des retraites du champ social à celui de la politique, en passant par la case des municipales. Le Conseil d’Etat n’a pas dit que le droit. Il a, bien malgré lui, requinqué la contestation.