Dialogue de sourds – L’édito de Christophe Bonnefoy
La France a un incroyable talent. Celui, très paradoxal, de savoir s’unir dans les moments importants – souvent graves – et, en même temps, de saisir la moindre occasion pour se désunir. Se déchirer parfois. A des instants tout aussi graves, d’ailleurs.
La manifestation contre l’islamophobie, qui s’est tenue hier dans les rues de Paris, aurait rassemblé entre 10 000 et 13 500 personnes. Certains trouveront que ce petit nombre à cinq chiffres signe un cuisant échec. D’autres qu’au contraire, ce dimanche de revendication est un véritable succès, alors que depuis quelques jours, l’appel à descendre dans la rue a très vite glissé vers des polémiques incessantes et une instrumentalisation, tant, à la base, du côté des organisateurs qu’ensuite du monde politique. Tout cela ne donnait pas vraiment envie d’en être.
L’essentiel n’est pas tant dans le nombre que dans le message délivré. On ose espérer que, contrairement à ceux qui se sont emparés du sujet pour le détourner, les manifestants présents hier n’auront eu qu’une idée en tête : non aux discriminations, non aux amalgames – le mot est à la mode – entre islam et islamisme. Sans, eux, n’avoir d’autre objectif que d’alerter sur leur ressenti sincère. On peut même rêver, dans un monde idéal, que les mêmes pourraient descendre dans la rue pour lutter contre l’homophobie, le harcèlement, qu’il soit sexuel ou à l’école et/ou toute autre injustice…
Malheureusement, on sent bien que globalement, personne n’a envie d’écouter l’autre. Il suffisait, hier après-midi, non pas de regarder les images de la manifestation, mais d’écouter – si on arrivait à distinguer les avis dans le brouhaha ambiant – les intervenants sur les chaînes d’info continue. Chacun, sûr de son fait.
Le débat est sain. L’illusion du débat, c’est tout l’inverse.