Un ras-le-bol – L’édito de Christophe Bonnefoy
C’est un peu le monde à l’envers. Des policiers qui manifestent, quand d’habitude ce sont eux qui encadrent ces corps de métier venus crier leur mal-être dans la rue. Une profession au bout du rouleau, alors qu’on a généralement l’image d’hommes et de femmes aux nerfs d’acier et aux tempéraments bien affirmés.
La police craque. Le nombre de suicides dans ses rangs – une cinquantaine depuis le début de l’année – montre combien le supportable a fait place à l’invivable. Trop longtemps sûrement, on a considéré que la vocation préserverait de la réalité du quotidien. Erreur, qui se paie cash aujourd’hui.
Du statut de héros lors des attentats de 2015, les policiers sont devenus les cibles faciles de toutes les contestations. Leur manifestation, à Paris, a montré à quel point ils concentrent désormais les maux de notre société. Ce n’est peut-être pas tant pour leurs retraites qu’ils défilaient hier. Mais plutôt pour toutes ces gouttes d’eau qui font déborder le vase : manque de considération, management d’un autre temps, millions d’heures supplémentaires non payées, réponses pénales inadaptées qui finissent par rendre leur travail infertile, puisqu’ils en viennent à réinterpeller le lendemain ceux qu’ils ont arrêtés la veille.
Ils deviennent au final le symbole de cet Etat qui ne tourne pas rond. Mais eux sont en première ligne. Ils se refusaient jusqu’alors à se plaindre. Ils s’autorisent désormais à tirer, à nouveau, une sonnette d’alarme que personne n’a voulu entendre. Comme les personnels des urgences. Comme d’autres, au service des populations, dont on considère qu’ils doivent beaucoup donner sans toujours recevoir, sinon les critiques et les coups. Un ras-le-bol que les félicitations ponctuelles de leur ministre de tutelle ne suffisent plus à contenir. Et qui, même, est alimenté par les attaques régulières de certains responsables politiques, entre autres.