Ce n’est pas gagné – L’édito de Patrice Chabanet
La présentation du rapport Delevoye sur les retraites n’a pas apporté de révélations fracassantes. Les discussions avec les partenaires sociaux qui l’ont précédée en avaient fait apparaître les lignes-force : mise en place d’un régime universel, application d’un système par points, maintien d’un âge légal, 62 ans, pour le départ à la retraite, mais taux plein à 64 ans. On n’est plus dans le toilettage, mais dans la restructuration d’un pilier essentiel de notre pacte social. Disons-le tout de suite, ce n’est pas gagné. On ne sait pas encore ce que le gouvernement conservera de ce rapport, car immanquablement il y aura un coût politique. Tout dépendra de la nature et de l’intensité de l’opposition à ce projet de réforme. Entre les grandes organisations syndicales et les groupements d’intérêts corporatistes, il peut se former un front du refus, même si les intérêts des uns et des autres peuvent paraître contradictoires. Ainsi les fonctionnaires se sentent plus pénalisés par la suppression du mode de calcul actuel qui prend en compte les six derniers mois d’activité pour l’établissement de leur retraite. 25 ans dans le privé…
L’exécutif modifiera sans doute le rapport Delevoye. Il ne le rejettera pas, parce qu’il a fait de la réforme des retraites la pierre angulaire de son action et qu’avec l’évolution démographique ne rien faire reviendrait à aggraver la situation. En termes stratégiques, le gouvernement peut compter sur le patronat et une partie de la droite qui a toujours été pour le report au-delà de 62 ans pour le départ à la retraite. Demeure l’inconnue des syndicats les plus hostiles – la CGT, FO et Sud en particulier. Ils sont vent debout contre le projet. Ils s’apprêtent à mobiliser leurs troupes dès la rentrée. Du côté de l’Elysée et de Matignon on compte, c’est certain, sur l’usure de la contestation comme dans le conflit de la SNCF. Sauf que cette fois-ci, la bataille ne portera pas sur un secteur d’activité, mais sur l’avenir de tous les salariés.