Dites 33 – L’édito de Patrice Chabanet
Abondance de biens ne nuit pas, dit le proverbe. A voir. Il est difficile de considérer que le dépôt officiel de 33 listes pour les élections européennes soit un signe de bonne santé démocratique. Certes, l’abondance de listes nuit moins qu’une élection préfabriquée avec un parti unique ou l’élimination de toute opposition, pratique encore courante dans certains pays. Mais comment l’électeur peut-il s’y retrouver entre 33 programmes, parfois très voisins ? On ne parle pas des organisations groupusculaires qui font surtout acte de présence le temps d’un scrutin. Il y a tous les autres, souvent des sous-chapelles d’anciens partis de gouvernement. Que reste-t-il, par exemple, de l’ancien PS ? Une myriade de courants jouxtant ceux de l’écologie. L’extrême droite n’échappe pas non plus à la fragmentation. Quant à la droite modérée, elle est loin de retrouver les étiages de la période gaulliste ou même chiraquienne. Au milieu de cette flottille, le parti présidentiel tente de se frayer un chemin. On connaît déjà l’impact de cette dispersion de l’offre électorale : les vainqueurs ne feront pas de gros scores. Ils confirmeront par là la tendance qui était déjà apparue lors des dernières présidentielles.
La cartellisation de la vie politique française en dit long sur les tensions actuelles. Aucun parti n’arrive à s’imposer et à imposer son programme.européen. Qui, spontanément, peut en donner les grandes lignes, à part quelques slogans ? Les Gilets jaunes eux-mêmes font la dure expérience de la conquête du pouvoir. Ils auront trois listes et certaines « figures » du mouvement ont rejoint des formations souverainistes. Il ne faut pas s’étonner dans ces conditions si le soir des élections le grand vainqueur aura un visage, celui de l’abstention. Il est de bon ton d’affirmer que la France n’a pas le privilège de la grève des urnes. C’est quand même inquiétant. On ne répond pas à la défiance populaire en se préoccupant uniquement de son (petit) score électoral.