Jeu de minables – L’édito de Patrice Chabanet
Les événements tragiques sont de puissants révélateurs des comportements humains. Côté cour, ils font apparaître des héros, prêts à se sacrifier. Côté jardin, ils traînent dans leur sillage de minables profiteurs à la petite semaine. L’incendie de Notre-Dame de Paris est en train de le prouver. On a vu des pompiers défendre avec acharnement l’édifice comme on préserve une parcelle sacrée de notre territoire, de notre histoire, de notre culture. On a vu aussi des milliers de Parisiens les encourager comme on accompagne des soldats au combat. On a vu encore une levée en masse de donateurs, bien décidés à gagner une autre bataille, celle de la reconstruction. Mais pendant toute cette séquence s’est démenée une petite armée de lanceurs de rumeurs et d’insinuations, accompagnée d’une cohorte d’escrocs. C’était prévisible, mais il est toujours difficile de s’habituer à un phénomène qui s’épanouit avec les réseaux sociaux.
Tel site nous montre une personne se déplaçant dans l’un des beffrois. Mais c’est bien sûr, mon cher Watson, c’était l’incendiaire. Sauf que c’était un pompier. Tel autre site met en scène l’incendie, avec des voix scandant Allah Aqbar. Sauf qu’il s’agissait d’un grossier montage d’une image et d’un son. Une fois de plus, Internet révèle son double visage : un formidable outil de communication et de connaissance, d’un côté, un égout à ciel ouvert, de l’autre. Il charrie les élucubrations de frustrés de tout poil, toujours très courageux derrière le paravent de l’anonymat.
Plus écœurantes sont les tentatives d’escroquerie aux dons. Souvent, ce sont les plus modestes qui se laissent piéger par des mails qui imitent parfaitement les sites officiels. La vigilance la plus extrême s’impose donc. Les médias diffusent régulièrement la liste des organismes habilités à recevoir de l’argent pour la restauration de Notre-Dame. En attendant, on peut s’étonner une nouvelle fois que ces tentatives de vol, avec abus de confiance, puissent fleurir au gré des catastrophes. Visiblement, la parade en temps réel n’est pas au point. Comme dans le vieux monde, le voleur a toujours un temps d’avance sur le gendarme…