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Contrôler le jeu – L’édito de Patrice Chabanet

 

Il y a loin d’une puissante aspiration populaire à la prise de pouvoir. Deux pays sont en train de nous en administrer la preuve, l’Algérie et le Soudan. Dans les deux cas, la foule a réussi à faire tomber le potentat en place, respectivement Bouteflika et Al-Bachir. Mais c’est après que cela se complique. L’armée reste maître du jeu. En Algérie, elle a retiré son soutien au président-momie. Au Soudan, elle a carrément renversé le chef de l’Etat cramponné à son fauteuil depuis trente ans. Tout cela, bien sûr, « au nom du peuple ». Cette emprise militaire dans le cours des événements n’est pas aussi désintéressée que le prétendent les discours officiels. L’armée tente de reprendre le terrain perdu face à la rue. La période de transition démocratique annoncée dans les deux pays est sévèrement encadrée. En Algérie, c’est le président du Sénat, un très proche de Bouteflika qui sera à la manœuvre. Au Soudan, c’est le ministre de la Défense sortant qui sera aux manettes.

Autant dire que les Algériens, comme les Soudanais, se refusent à entrer dans un jeu qui, à leurs yeux, est destiné à les anesthésier et à neutraliser leur revendication essentielle : en finir avec le système. D’où, comme on le voit déjà en Algérie, des heurts qui apparaissent entre manifestants et forces de l’ordre. Au Soudan, la situation est plus confuse, plus ambiguë : l’armée qui prétend désormais être au côté du peuple a déjà tué une cinquantaine de personnes avant la destitution d’Al-Bachir. Là comme ici, rien n’est donc joué. La détermination de la population saura-t-elle faire plier la seule structure organisée, à savoir l’armée ? La fronde du peuple souffre d’un handicap rédhibitoire : elle est certes massive mais ne porte pas de projet clairement identifié. Elle laisse apparaître un rejet unanime d’un système usé jusqu’à la corde, mais on devine mal son contre-projet politique et les outils pour le mettre en œuvre. Autrement dit, s’installe en Algérie et au Soudan, un flou extrêmement dangereux, car il ne pourra pas s ‘éterniser.

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