Un modèle en péril – L’édito de Patrice Chabanet
La farce qui se joue actuellement à la Chambre des Communes ne fait plus rire. La question n’est plus de savoir comment le Royaume-Uni divorcera de l’Union européenne. Les députés britanniques et la Première ministre, Theresa May, ne savent plus eux-mêmes comment se sortir de ce bourbier. Il y a plus grave encore : le Brexit a électrisé la société. Le flegme légendaire de nos amis britanniques a volé en éclats jusqu’au sein des familles. En réalité, c’est tout un modèle politique qui est ébranlé. Première mouture des démocraties européennes, le Royaume-Uni voit de jour en jour se creuser le fossé qui sépare le peuple de la classe politique. L’homme de la rue se sent dépossédé d’un enjeu qui le concerne au premier chef – rester ou quitter l’Union européenne – au profit d’une classe politique qui oublie qu’elle est censée représenter le peuple. Les mauvaises joutes oratoires ne font que ridiculiser un peu plus la démocratie représentative. Plus personne n’y comprend rien. Les Britanniques sont tombés dans un état de sidération, avec une interrogation basique : de quoi sera fait leur quotidien d’ici à quelques semaines, pour ne pas dire quelques jours ?
En fait, la crise extrêmement grave que traverse le Royaume-Uni est un concentré de ce qui se passe dans les nations européennes. En témoignent les difficultés – le mot est faible – que connaît notre propre pays. La remise en cause de notre modèle démocratique est clairement posée. Les rouages de la représentativité fonctionnent mal. On considère désormais comme allant de soi des taux d’abstention au-delà de 50%. C’est plus commode que de s’interroger sur cette grève régulière du corps électoral. Les Britanniques, eux, s’aperçoivent aujourd’hui que leurs responsables, notamment les pro-Brexit, n’avaient rien prévu quant aux modalités de la séparation. Et qu’ils doivent chaque jour, et parfois chaque heure, assister au spectacle ubuesque que leur infligent leurs députés. Une parodie de démocratie.