Sortir du silence – L’édito de Christophe Bonnefoy
A s’attendre à pire que le pire, on peut se satisfaire du moins pire. On peut même, quasiment, le transformer en satisfecit. Ainsi pourrait-on résumer la philosophie du gouvernement vendredi, quelques heures avant la déambulation des Gilets jaunes, entre autres sur les Champs-Elysées. Le pari a failli être gagné. Jusqu’en début d’après-midi, sur la plus belle avenue du monde, les quelques face-à-face entre manifestants et CRS furent tendus, mais loin des excès de samedi dernier. Les moyens policiers étaient là : blindés, effectifs en nombre, méthode d’approche différente, Christophe Castaner avait presque tout prévu. Même de faire interpeller plusieurs centaines d’individus, de manière préventive, histoire de tuer la violence dans l’œuf. C’était pourtant sans compter sur ceux qui ont fait de l’art de tout détruire un mode de vie, si l’on peut dire.
Le résultat est à pleurer, même si Paris a semble-t-il connu hier moins de débordements que les semaines précédentes. Outre les millions d’euros de dégâts qu’il faudra bien payer, c’est le message de base qui finit par être brouillé. La violence dans la capitale en arrive à occulter les centaines de manifestations en province, dont la plupart se seront déroulées dans le calme. Quoique… On sent bien que ce climat extrême de tension est un peu comme cette corde qui finit par casser si on tire immodérément sur les deux bouts. Comme à Bordeaux, entre autres, où la situation dégénérait hier soir.
On sent aussi que les paroles, du Premier ministre en particulier, ne suffisent plus, ne suffiront plus à calmer les esprits. Les Gilets jaunes attendent qu’Emmanuel Macron sorte de son silence. Certains, même, considèrent que c’est ce long silence qui exacerbe les tensions. La parole devra être forte. Elle sera déterminante pour la suite du mouvement.