Vendeurs de rêve – L’édito de Christophe Bonnefoy
Les aventuriers ne sont plus tout à fait ce qu’ils étaient. Finies, les coques de noix pour traverser les océans. Bienvenue aux monstres de technologie dont on pourrait penser qu’ils ne laissent que très peu de place au hasard. Même le téléphone s’est installé à bord, à côté du GPS et autres instruments de mesure ultra-modernes. L’argent, ça va avec, a, aussi, pris une large part dans la discipline. Pour construire ce qui se fait de mieux, bien sûr, mais également, lorsqu’on est sponsor, pour s’afficher face caméra, aux yeux du monde entier.
Pour autant, les grandes évolutions qu’ont connues les voiliers au fil des décennies garantissent-elles aujourd’hui aux navigateurs du XXIe siècle de partir en croisière plutôt que vers l’inconnu ? Pas vraiment.
La route du Rhum, partie hier de Saint-Malo à destination de la Guadeloupe, reste l’apanage des aventuriers. Différents, mais aventuriers tout de même. Ils savent mesurer le risque et le limiter, certes, mais n’en demeurent pas moins tributaires des humeurs du dieu Océan. Toutes les technologies, toutes les surveillances les plus pointues à distance ne donneront jamais à l’Homme le pouvoir de totalement dominer les mers du globe. Il suffit pour s’en convaincre de comparer la taille d’un voilier, même dernier cri, à l’immensité des flots. D’imaginer à quel point le skipper, aussi talentueux soit-il, n’est qu’une poussière face à des éléments souvent déchaînés.
Les aventuriers n’ont plus rien à voir avec les Christophe Colomb d’antan. C’est évident. Ils ne sont peut-être plus des héros au sens propre du terme. Mais ils continuent à vendre du rêve, si l’on peut dire. Toujours bon à prendre, par les temps qui courent.