Couteau suisse – L’édito de Patrice Chabanet
Le remaniement n’a rien de spectaculaire. Il ne pouvait pas l’être puisque d’emblée le chef de l’Etat et le Premier ministre avaient exclu tout changement de cap. Il n’est pas sans intérêt pour autant. Les nouvelles nominations prises dans leur ensemble tiennent du couteau suisse politique. Il fallait un homme de confiance indéfectible à l’Intérieur. Ce sera le fidèle des fidèles de la macronie, Christophe Castaner. Il fallait requinquer un Modem qui se sentait marginalisé dans la majorité. Ce sera le renforcement des attributions de Jacqueline Gourault avec un ministère de la Cohésion des Territoires et l’arrivée de Marc Fesneau, chargé des Relations avec le Parlement. Il fallait ne pas perdre le soutien de la droite constructive. Ce sera la nomination de Franck Riester, ex-LR, au ministère de la Culture. Il fallait continuer à plumer la volaille socialiste. Ce sera le ministère de l’Agriculture confié au sénateur Didier Guillaume, proche de Valls. Au total, une forme de changement dans la continuité qui permet à Emmanuel Macron de conserver les savants équilibres du début du quinquennat, et d’éliminer les branches mortes ou fragilisées.
Le chef de l’Etat s’est appliqué à lui-même les nouveaux réglages de la machine gouvernementale. Dans son intervention télévisée, il a changé de registre. Pas de discours péremptoire, mais des notes qu’il lisait parfois, et un mea culpa sur les petites phrases assassines distribuées lors de ses voyages. Autant d’inflexions pour nous signifier que l’heure n’était plus à l’euphorie de la victoire électorale de 2017. Une autre bataille se rapproche, celle des européennes. Le ton grave adopté par Emmanuel Macron visait, c’est sûr, à en dramatiser les enjeux. On était loin du remaniement ministériel. Et pourtant, tout est lié. Le renforcement du Modem au sein du gouvernement et l’arrivée de personnalités de droite ou de gauche macron-compatibles sont destinés à mettre en ordre de bataille un vaste courant pro-européen face aux souverainistes et autres nationalistes.