Turbulences – L’édito de Patrice Chabanet
Le nouveau patron d’Air France-KLM est à peine installé dans le cockpit de la compagnie qu’il sent déjà de sérieuses turbulences. Benjamin Smith devra tenir ferme le manche. La météo sociale ne lui est pas favorable. Les syndicats et certains politiques n’admettent pas que ce fleuron de l’économie française soit désormais piloté par un Canadien. Plus encore, son salaire annoncé – trois fois celui de son prédécesseur – est considéré comme une véritable provocation alors que les organisations de salariés ne sont pas parvenues à obtenir satisfaction pour leur principale revendication, à savoir une augmentation de 5%.
Qu’on soit favorable à la mondialisation ou non, elle est devenue une réalité incontournable, et cela malgré le climat de guerre commerciale. Interdire à un étranger la direction d’une entreprise française, en fait franco-néerlandaise, tient d’un nationalisme économique particulièrement étriqué. Les deux tiers du chiffre d’affaires d’Air France sont réalisés hors de nos frontières, faut-il le préciser. Tout ce qu’on demande au successeur de Jean-Marc Janaillac, ce ne sont pas ses papiers d’identité, mais le redressement d’une société confrontée à des convulsions sociales. Ses états de service à Air Canada plaident en sa faveur. Il y a signé, entre autres, des accords décennaux avec les syndicats. Ce savoir-faire lui sera utile pour renouer des relations apaisées avec les syndicats français, et plus particulièrement avec ceux des pilotes.
Benjamin Smith aura intérêt à jouer cartes sur table, et pas seulement sur la question des salaires. L’Etat détient encore 14% du capital d’Air France-KLM. Il en est l’actionnaire de référence. Rien ne dit que cette situation restera figée. Des candidats sont déjà là pour prendre sa place. Une mutation qui aurait forcément un lourd impact politique. La participation de l’Etat dans pareille entreprise sort du cadre purement économique. Elle a valeur de symbole.