Langues déliées – L’édito de Patrice Chabanet
Une fois de plus, c’est après la catastrophe que les langues se délient. Ça devait arriver un jour, se répandent les habitants de Gênes. Tel architecte italien s’étonne que la catastrophe ne se soit pas produite bien avant, tant la conception de l’ouvrage d’art laissait à désirer. La seule certitude qu’on ait, c’est que le viaduc ne s’est pas effondré tout seul.
Au-delà, on en reste aux conjectures. L’équipement construit après la guerre était-il adapté au trafic d’aujourd’hui? La maintenance était-elle à la hauteur de ces nouvelles contraintes? Les travaux réalisés tant pour la construction que pour l’entretien correspondaient-ils aux cahiers des charges ou étaient-ils rongés par la corruption? Le concessionnaire était-il davantage obnubilé par le profit que par la sécurité des usagers, sachant que les péages italiens sont parmi les plus élevés d’Europe? Autant de questions légitimes, mais qui ne justifient en rien les inepties des nouveaux dirigeants de la péninsule.
La palme revient au ministre des Transports italien qui s’en est pris, entre autres, aux camions polonais. S’il n’y avait pas eu ce drame, on pourrait en rire. Au passage, cela en dit long sur la solidarité des gouvernements nationalistes entre eux. Quant au ministre de l’Intérieur, Matteo Salvini, il a mis en cause l’Europe et son obsession des réductions des déficits budgétaires qui empêcheraient la réfection des équipements publics. Cela dit, on ne peut imputer à l’actuel gouvernement la responsabilité de la tragédie. Il n’est aux affaires que depuis deux mois. Il est donc en position de force pour mettre en cause les partis du « vieux système » qui l’ont précédé. Encore faut-il qu’il parle d’une seule voix. Or les discours font apparaître des divergences de fond. Le Mouvement 5 étoiles est viscéralement contre toute politique de grands travaux. La Ligue, elle, y est plus que favorable. La rupture du viaduc de Gênes pourrait bien faire apparaître des fissures dans la coalition gouvernementale. On le saura vite. Les nouveaux ministres italiens parlent vite et fort