État d’errance – L’édito de Patrice Chabanet
On s’en doutait: l’accord européen de juin dernier sur les migrants n’a rien résolu. L’Aquarius fait à nouveau la Une de l’actualité. Symbole de l’errance des temps modernes,
il cherche un port pour accueillir les 140 personnes qu’il transporte. Malte et l’Italie n’en veulent pas. C’était prévisible. Le port de Sète se dit disposé à les accueillir, si les
autorités françaises donnent leur accord. Mais pour le moment elles restent muettes, car cette affaire met à nouveau au jour le télescopage de l’humanitaire et de la raison d’Etat.
D’un côté, comment rester de marbre face à ces visages de bébés ballotés par la mer et, surtout, par les vents d’une Histoire qui les dépasse ? De l’autre, les gouvernements se
sentent obligés de tenir compte des poussées anti-migratoires qui enflent en Europe.
La principale difficulté qui se pose à ceux qui nous gouvernent est d’apporter des solutions d’urgence à un problème qui s’inscrit dans une perspective de long terme. Le fiasco de notre intervention en Libye et le délabrement du Moyen-Orient ne peuvent qu’alimenter d’incessants flux migratoires, et cela pour de nombreuses années. Un député danois avait proposé, il y a deux ans, qu’on tire sur les bateaux. Fort heureusement, l’inanité du propos suffit à décrédibiliser son auteur et ceux qui, secrètement, pensent la même chose.
Dans l’immédiat, il serait bon que les Européens, toutes tendances confondues, s’attaquent sérieusement aux réseaux de passeurs. Certains sont démantelés, mais trop peu. Cela veut dire se montrer extrêmement ferme vis-à-vis des pays qui ferment les yeux sur ces trafics d’êtres humains. Ainsi, quelles sanctions sont prises à l’encontre des autorités libyennes, complices de fait avec les réseaux esclavagistes qui ont pratiquement pignon sur rue? À plus long terme, la fin des conflits au Proche-Orient et le développement économique des régions subsahariennes tariront les sources d’émigration