Glaçant – L’édito de Christophe Bonnefoy
Les mots sont forts. Très forts. Les termes de la mise en examen font froid dans le dos. «Complicité de crimes contre l’humanité», «financement d’une entreprise terroriste». Ils sont d’autant plus glaçants qu’ils ne concernent pas de vulgaires pions de Daesh ou des Etats lointains soutenant habituellement, de manière plus ou moins directe, l’organisation Etat islamique. Ils touchent une entreprise. Une multinationale. Les ciments Lafarge, soupçonnés, pour résumer, d’avoir été bien peu regardants en Syrie, sous prétexte de vouloir maintenir à tout prix leur usine dans le pays. Et, par voie de conséquence, d’avoir versé des millions qui auraient bénéficié à l’EI ou même, cerise sur le gâteau, si l’on peut dire, de lui avoir vendu du ciment directement.
Ne soyons pas dupes, la survie des grosses sociétés mondiales dans les régions les plus instables de la planète n’est pas toujours le fait, uniquement, de négociations purement commerciales avec des interlocuteurs au-dessus de tout soupçon. Elle relève parfois, on le devine, d’un flirt permanent avec les lignes blanches. La principale gymnastique étant de ne pas se faire prendre la main dans le sac.
Les accusations, que LafargeHolcim a aussitôt contestées au point d’annoncer vouloir interjeter appel, ont de quoi nous mettre KO. Parce que c’est la première fois dans le monde qu’une entreprise est mise en examen pour complicité de crimes contre l’humanité, selon l’ONG Sherpa, partie civile dans ce dossier. Mais aussi, et peut-être surtout, parce qu’évidemment, si un financement de Daesh par le cimentier était avéré, l’entreprise aurait pour une part contribué à armer le bras de ceux qui ont fait des centaines de victimes dans notre pays. Terrible.