La règle de Mistigri – L’édito de Patrice Chabanet
L’Espagne accueillera finalement les 629 migrants de l’Aquarius. L’Italie et Malte n’en voulaient pas. Présentée ainsi, cette énième odyssée du désespoir a tôt fait de pointer le principal responsable : le gouvernement populiste italien et ses méthodes autoritaires. Le raisonnement a sa pertinence : l’extrême droite au pouvoir a toujours plaidé pour la pureté de la nation. Chez notre voisine transalpine, elle applique ce programme sur lequel elle a été élue. Mais la condamnation morale est un peu courte. Cette nouvelle tragédie pose un problème de fond : l’Italie, comme la Grèce d’ailleurs, doit-elle absorber la quasi-totalité de l’exode migratoire ? Vue sous cet angle, la question n’est plus de savoir si c’est l’extrême droite, la droite, le centre ou la gauche qui sont au pouvoir. Elle est de s’interroger sur l’attitude des partenaires de l’Italie. L’ont-ils soulagée d’un fardeau qu’elle ne pouvait pas subir ad vitam aeternam ? Certainement pas. Pour le coup, ils sont mal placés pour lui infliger des leçons de droits de l’Homme. Ils lui ont laissé le mistigri de l’immigration sauvage. Ce faisant, ils ont favorisé l’émergence d’un populisme virulent, dont l’axe principal est l’arrêt de ce mouvement incontrôlable.
Le sauvetage espagnol constitue un expédient qui ne règle pas le problème de fond. Ils sont certainement des dizaines de milliers, voire des centaines de milliers à vouloir rallier une Europe mythifiée en Eldorado. Ceux qui sont piégés en Libye sont prêts à mourir pour quitter un pays où règnent les passeurs, les racketteurs et les trafiquants d’esclaves. En mettant les pieds dans le plat, les nouvelles autorités italiennes ont eu objectivement le mérite de pousser l’Europe à trouver rapidement des solutions qui ne soient pas des échappatoires. Ce n’est pas le moindre des paradoxes que des partis nationalistes contraignent l’Union européenne à se ressaisir, à affronter des défis autrement plus ardus que les dossiers économiques. La solution ne sera pas celle des barbelés et des miradors autour de chaque Etat membre. Elle ne pourra pas être non plus dans la transmission du mistigri au voisin italien.