Double lecture – L’édito de Patrice Chabanet
Une visite du chef de l’Etat sur le lieu d’entraînement de l’équipe de France de football n’est jamais innocente. Le discours présidentiel ne s’adresse pas seulement aux joueurs, mais à l’ensemble du pays sur le mode subliminal. Emmanuel Macron n’a pas dérogé à la règle. Il a bien compris tout l’intérêt de ce message stéréophonique. Comment ne pas voir dans le mot d’ordre qu’il a lancé au Onze tricolore – unité, effort, confiance – une exhortation destinée à l’ensemble de la nation ? Une façon de s’ériger en entraîneur des 67 millions de Français. L’unité, parce que le pays se débat toujours dans ses divisions et ses contradictions. L’effort, parce que c’est le seul moyen de rattraper le temps perdu et de mettre en place des réformes indispensables. La confiance parce que la France demeure l’une des nations les plus pessimistes de la planète.
En insistant sur son soutien à l’équipe de France, le président de la République reste fidèle à sa vision de la société : il faut des premiers de cordée pour avancer. Les Bleus appartiennent à cette élite qui peut mobiliser toute la population et l’entraîner vers de nouveaux sommets. Dans l’enthousiasme qui précède la reine des compétitions du sport le plus populaire, ce discours, que certains jugeront trop récupérateur, sera bien reçu. Surtout, s’il est perçu au premier degré, c’est-à-dire au seul plan sportif. Mais tout cet échafaudage d’encouragements et de clins d’oeil au contexte politique reste fragile. Que se passera-t-il si l’espoir de victoire n’est pas au rendez-vous ? Emmanuel Macron a senti le danger en mettant une présidentielle pression sur les joueurs. « Une compétition réussie, c’est une compétition gagnée », leur a-t-il dit à Clairefontaine. Mais, d’une certaine manière, cet encouragement, il se l’est adressé à lui-même. Avec son élection époustouflante, il a gagné une manche, mais la compétition n’est pas finie.