Avis de gros temps – L’édito de Patrice Chabanet
Grèves et manifestations de fonctionnaires aujourd’hui, onzième séquence de grève à la SNCF demain, défilé commun France insoumise-CGT samedi prochain : le feu roulant de la contestation sociale se maintient avec une vigueur qu’il est difficile d’évaluer. Si l’on se base sur les précédentes séquences, il serait plus avisé de parler d’avis de gros temps que d’avis de tempête. Force est de constater que le gouvernement ne cède pas sous la bourrasque. Il reste sur sa lancée de la réforme du code du Travail et sur l’échec de l’opposition de gauche et des syndicats. Pas question de reculer sur le dossier SNCF. A l’essoufflement du mouvement, indiscutable même s’il n’est pas spectaculaire, la CGT et Sud-rail répondent par la radicalisation. Un pari risqué face à une opinion publique toujours favorable à la réforme. Le référendum organisé par l’intersyndicale n’y changera rien, puisqu’il ne prend pas en compte l’avis des usagers.
Autre interrogation : l’ampleur de la manifestation conjointe de la France insoumise et de la CGT. Mélenchon, à son habitude, ne fait pas dans la dentelle : il s’attend – une nouvelle fois – à une marée populaire. Le syndicat de Philippe Martinez, lui, a pris un grand risque, celui d’apparaître à nouveau comme la courroie de transmission d’un parti politique. Une façon d’effacer l’action de Bernard Thibault, qui avait conquis l’autonomie de la CGT par rapport au PCF. La non-participation des syndicats dits réformistes donnera forcément une coloration radicalisée à la démonstration de force de samedi, et cela d’autant plus qu’elle agrégera de nombreuses formations et d’organisations d’extrême gauche. C’est là-dessus que compte l’exécutif. Laisser monter des vagues qui se veulent pré-révolutionnaires pour mieux discréditer le discours qui les accompagne. En même temps, comme dirait Macron, cette agitation rampante étouffe les voix des oppositions traditionnelles. Dans la foulée s’éloigne le spectre d’un revival de mai 1968.