Le désaveu – L’édito de Patrice Chabanet
Le personnel d’Air France a donc désavoué son PDG. Ce dernier présentera sa démission comme il s’y était engagé en cas d’échec au référendum qu’il avait suscité lui-même. Le désaveu est cinglant. Pour autant, les syndicats peuvent-ils crier victoire. ? Rien n’est moins sûr. Le conflit qui ronge la compagnie depuis quelques semaines, à coups de grèves, agrège un melting pot de revendications dont la cohérence est bien superficielle. Officiellement, le mouvement se focalise sur les salaires. Mais la catégorie la plus en flèche dans le conflit est celle des pilotes, la plus stratégique par définition. Son syndicat exige une augmentation de 10% des salaires. On comprend leur responsabilité éminente. On saisit moins l’ampleur de leur mouvement, compte tenu de ce qu’ils gagnent, largement au-dessus de 12 000 euros par mois. Ils ont réussi à entraîner d’autres organisations dans leur combat, malgré une large différence de statuts et de salaires. C’est très fort…Ils ont même obtenu la tête de leur PDG. Le jusqu’au-boutisme du SNPL (Syndicat national des pilotes de ligne) donne souvent à penser qu’il préférerait le crash d’Air France plutôt qu’un compromis. Il faut dire que le fort développement du transport aérien entraîne, à travers le monde, la création de milliers de postes de pilotes. Autant de pistes d’atterrissage.
Bonne chance au successeur de Jean-Marc Janaillac, qui vient de perdre son pari. Il hérite d’une entreprise, dont l’élite, la caste des pilotes, est engagée dans une fuite en avant. Les premières conséquences apparaissent dans les chiffres : une perte nette de plus de 250 millions d’euros pour le seul premier trimestre. On imagine ce qu’il en sera au second…Et que dire de l’image de la compagnie au niveau international, alors que la concurrence se fait toujours plus vive. Un PDG s’en va, un autre arrivera. La contestation sociale, elle, reste. Elle risque même de se renforcer après ce référendum que les syndicats présentent déjà comme une victoire. Mais sur le long terme, celui qui détermine la survie de l’entreprise, qui a vraiment gagné ?