Grogne montante – L’édito de Patrice Chabanet
Emmanuel Macron et sa majorité ont une certitude : mieux vaut commencer par le pain noir avant de consommer le pain blanc. L’effort avant le réconfort. Privilégier le long terme pour réformer en profondeur un pays que l’on dit inréformable. En termes triviaux, c’est « le chien de la contestation aboie, la caravane gouvernementale passe ». Sauf que la réalité du quotidien ne duplique pas automatiquement les stratégies politiques. Ainsi, le mécontentement des retraités tel qu’il s’est manifesté hier dans de nombreuses villes ne doit pas être pris à la légère. Il n’est pas violent. Néanmoins, il traduit un désenchantement qui peut vite se transformer en défiance dans les urnes. Pour le moment, il n’y a pas d’élection mais il est toujours difficile de rattraper des électeurs déçus. La généralisation de la suppression de la taxe d’habitation, annoncée finalement pour 2020, sera forcément perçue par les retraités des classes moyennes comme une correction de tir tardive.
C’est surtout la coagulation – prévisible – des mécontentements qui doit inquiéter l’exécutif. Les manifestations du personnel des Ehpad parlent aux Français, car de près ou de loin ils se sentent concernés. Certes, le dossier est ancien, mais c’est au pouvoir actuel de gérer le problème, car la coupe est plus que pleine. Et il y a urgence : le vieillissement de la population appelle des moyens supplémentaires. Dans ce train de la contestation, le wagon de la SNCF n’est pas le moindre. Les syndicats ont annoncé hier une grève cadencée (deux jours par semaine) d’avril à juin. Le gouvernement qui veut aller vite dans sa réforme peut compter sur le pourrissement du mouvement et la lassitude des usagers. Rien n’est moins sûr. L’amélioration de la situation économique est là, c’est vrai, avec le retour de la croissance. Mais le temps des impatiences sociales n’est pas le temps de l’économie et de ses réformes. Entre les deux s’ouvre un espace à hauts risques pour ceux qui nous gouvernent.