Cinglant – L’édito de Christophe Bonnefoy
La parole est d’or, surtout quand elle est rare. Elle peut même être destructrice, quand elle est réfléchie, énoncée non pas sous le coup de la colère, mais une fois le direct du droit encaissé. Comme la vengeance, elle est beaucoup plus cinglante, lorsqu’elle se cuisine froide.
En ce domaine, Alain Juppé sait faire. Lui qui a souvent été critiqué pour sa rigidité n’a pas perdu ses vieux réflexes, même s’il a bien pris soin de lisser son image. Quand cela est nécessaire, il sait – encore – être cassant. L’ex-candidat à la primaire de la droite, qui a parfois fait la course en tête dans les sondages avant la présidentielle, avait su se forger la stature d’homme d’Etat. Le destin l’a écarté de la course à l’Elysée, mais finalement, le recul qu’il a pris depuis début 2017, en particulier vis-à-vis des Républicains, lui offre maintenant une liberté de parole qu’il ne se prive(ra) pas d’utiliser, en l’occurrence ici pour répondre à Laurent Wauquiez, qui a dit sans le dire tout en le disant on ne peut plus clairement que l’ancien Premier ministre avait plombé les comptes de sa bonne vieille ville de Bordeaux.
«Lamentable», «absurde», «dévastateur», «minable», «Je le jugerai sur ses idées… quand il en aura»… voilà ce qui s’appelle une réponse sans pitié du berger Juppé à la bergère Wauquiez. Et qui va dans le sens de tous ceux qui ont pris leurs distances, pas tant avec les Républicains qu’avec leur nouveau patron.
Au final, dans cette histoire, Laurent Wauquiez joue avec le feu, c’est évident, et forcément à quitte ou double. Et pour le moment, en s’attaquant, entre autres, à Nicolas Sarkozy et à Alain Juppé, il n’a pu ranger à sa cause qu’une frange très minoritaire des sympathisants de droite. Il a trouvé à qui parler. La preuve.