Racines chrétiennes – L’édito de Patrice Chabanet
Il y a deux manières d’envisager la religion : l’appartenance à une communauté dont on partage l’histoire mais pas forcément toutes les valeurs, ou bien la mise en application de convictions et de préceptes qui ne sauraient se résumer à des incantations. La traditionnelle opposition entre culturel et cultuel. Incontestablement, le pape François privilégie le message et ses prolongements au quotidien. Ses racines chrétiennes, il va les chercher dans le terreau de la souffrance humaine et non pas dans une chronologie historique de la religion. En termes profanes, il s’en tient aux fondamentaux de la chrétienté : tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il vient de le rappeler dans son homélie de Noël et de sa bénédiction urbi et orbi, en focalisant son discours sur les migrants. Il a appelé les dirigeants de la planète à faire preuve de plus d’hospitalité et a fustigé ceux qui sont « prêts à verser du sang innocent ». Fils d’immigrants italiens, François est sans doute plus sensible que ses prédécesseurs au drame qui se joue autour de la Méditerranée. Mais, ce faisant, il désavoue, entre autres, les tenants d’une Europe chrétienne face à ce que ces derniers considèrent comme une déferlante migratoire essentiellement musulmane.
En fait, la question migratoire et les polémiques qu’elle suscite mettent au jour une opposition foncière entre deux conceptions de l’action humaine : le devoir d’hospitalité, en clair la morale, et le réalisme politique, le fameux axiome rocardien « on ne peut pas accueillir toute la misère humaine ». Rendons grâce à de nombreux dirigeants politiques de gauche et de droite qui tentent de concilier les deux, en évitant l’angélisme d’un côté et le discours d’exclusion de l’autre. Le pape, lui, reste dans son rôle. A quelques centaines kilomètres du Vatican, des milliers de migrants se sont noyés. Il ne peut s’imaginer Jésus renvoyer ceux qui tentent un impossible exode.