Communion nationale – L’édito de Patrice Chabanet
Johnny Hallyday a réalisé, post mortem, ce qu’aucun responsable politique ne parvient plus à susciter autour de lui : l’union nationale. Ses obsèques ont donné lieu à un déferlement émotionnel qu’on n’avait pas connu depuis la grande manifestation après l’attentat contre Charlie Hebdo. On savait que le chanteur était populaire, mais sans doute pas au point de rassembler un million de personnes sur le pavé parisien. Ultime clin d’œil de celui qui voyait toujours plus grand dans ses concerts. Une prestation magistrale où sa musique – sans sa voix – faisait mieux ressentir son absence qui le rendait paradoxalement plus présent tout au long du parcours funéraire et de la cérémonie religieuse.
L’événement – car c’en est un – a été comparé aux obsèques de Victor Hugo. Comparaison incongrue, ont crié les orfraies de service qui y ont vu la confusion entre les torchons et les serviettes. Or la ferveur d’hier a pulvérisé la traditionnelle et artificielle classification entre culture classique et culture populaire. Cela fait d’ailleurs des décennies que les succès répétés de Johnny Hallyday ont transpercé les clivages entre les générations et entre les classes sociales. Les Français, quelles que soient leurs conditions, se sont reconnus dans un artiste qui savait briser les codes et dont la longue carrière a ouvert un boulevard de souvenirs. L’une ou l’autre de ses chansons est souvent attachée à un moment de la vie de ses fans. Bien sûr, pourquoi ne pas le reconnaître, l’admiration et la ferveur vouées à Johnny Hallyday, frisent parfois l’idolâtrie. Mais en ces temps de communion nationale – elle s’est manifestée aussi d’une autre manière autour de Jean d’Ormesson – retenons le meilleur. Les Français, que l’on dit querelleurs, savent parfois poser le baluchon des haines recuites. A travers Johnny, ils ont trouvé un langage commun, la chanson qui a quitté hier le mode mineur auquel elle a été souvent cantonnée. Une forme de révolution culturelle.