Casser les codes – L’édito de Patrice Chabanet
Au Burkina Faso, comme en France, Emmanuel Macron déroule la même méthode : casser les codes de la « vieille politique ». On en connaît les ingrédients : aller au contact, ne pas hésiter à maintenir son désaccord avec ses contradicteurs et, surtout, contourner les caciques de la politique pour mieux les prendre à revers. Hier, ce schéma a été parfaitement respecté : longue rencontre avec des étudiants pas toujours d’accord, rappel de certaines vérités sur l’esclavage et la démographie galopante, un échange exclusif avec la jeunesse comme pour délégitimer le président burkinabé pourtant présent. Voilà pour la forme ou la communication, c’est selon. Sur le fond, le message a été clair : la politique africaine de la France, c’est fini. Bye bye la Françafrique… Le chef de l’Etat savait en disant cela qu’il s’adressait à la nouvelle génération d’Africains, vivier des futures classes moyennes d’un continent qui pèsera de plus en plus au cours de ce siècle. Sarkozy l’avait promis. Macron assure qu’il le fera. Mais on peut avoir une autre lecture de la pensée macronienne, pas forcément contradictoire : aide-toi, le ciel t’aidera. En d’autres termes, la France est prête à desserrer sa tutelle sur les pays africains, mais à eux de se prendre en charge. On a senti dans ses mots que la présence militaire française n’était pas éternelle, pour ne prendre qu’un exemple.
Le 5ème sommet Europe-Afrique qui se tient aujourd’hui à Abidjan devrait permettre de valider cette transition d’un protectorat de fait vers une forme de Realpolitik. Emmanuel Macron y lancera une initiative pour frapper les passeurs, souvent des tortionnaires, qui sévissent en Libye. Nul doute que la France n’entend pas être la seule à porter le fardeau des décisions qui seront prises. Pour le chef de l’Etat, soit il convainc Européens et Africains, soit son initiative disparaît dans les sables libyens. Dans le premier cas, il renforce sa stature internationale. Dans le second cas, le message d’Ouagadougou sera déjà oublié.