L’autre camp – L’édito de Patrice Chabanet
L’autre camp – L’édito de Patrice Chabanet
Les indépendantistes catalans avaient peut-être vendu un peu trop vite la peau de l’ours espagnol. Leurs adversaires étaient en effet des centaines de milliers dans les rues de Barcelone pour manifester leur hostilité à l’indépendance de la Catalogne. C’est un échec pour Carles Puigdemont, le président du gouvernement autonome catalan. Il lui sera difficile de faire croire à la terre entière que le séparatisme est plébiscité dans sa province. A l’évidence, la population est partagée. De surcroît, le référendum de l’autre dimanche est plus que sujet à caution, avec une participation réduite à 40% pour les raisons que l’on sait. Les indépendantistes sont placés désormais devant une alternative redoutable : la fuite en avant, avec une déclaration d’indépendance dès demain, ou lever le pied. Dans le premier cas, l’Etat central ne laissera pas faire, requinqué qu’il est par la mobilisation des anti-indépendantistes. Dans le second cas, les séparatistes admettraient implicitement qu’ils se sont fourvoyés dans une aventure à haut risque.
Des fissures apparaissent d’ailleurs dans le front indépendantiste. Passé l’ivresse des grandes manifs, certains s’interrogent sur la viabilité économique d’une Catalogne indépendante. Des grandes banques ont déjà annoncé qu’elles quitteraient la région. De plus, l’Union européenne ne fera aucun cadeau à la création d’un nouvel Etat qui participerait à son morcellement. Autant d’éléments dont les Catalans commencent à saisir l’impact. Le vibrant appel du prix Nobel de littérature Mario Vargas Llosa contre la « conjuration indépendantiste » ajoute à cette prise de conscience. Un propos extrêmement dur, comme pour inciter les dirigeants indépendantistes à ne pas commettre l’irréparable. Comment ne pas y souscrire ? Dans un monde de plus en plus ouvert, le souverainisme ramené à une province a quelque chose de pathétique et de surréaliste.