À l’abordage – L’édito de Patrice Chabanet
À l’abordage – L’édito de Patrice Chabanet
Sans ambition, sans audace, sans utopie, impossible d’avancer. Dans une Europe qui patine ou qui fait du surplace, Emmanuel Macron a donc décidé de partir à l’abordage de l’euroscepticisme ambiant. Il l’a fait solennellement à la Sorbonne, car point de grand projet sans la force des symboles. Le plan de reconstruction européen – il s’agit bien de cela – qu’il a présenté hier alliait les lignes de force, la première étant la notion de souveraineté européenne, et une longue liste de réalisations à prévoir : budget de la zone euro, harmonisation de la taxe sur les sociétés, force commune d’intervention, intégration des demandeurs d’asile, taxe sur les transactions financières pour aider au développement de l’Afrique, taxe carbone, remise en cause de la PAC, jusqu’à la défense des droits d’auteur. Reste, si l’on ose dire, à connaître la réaction de nos partenaires à cette feuille de route. On sait déjà que certains ne sont pas d’accord, par exemple, sur la création d’un budget réservé à la zone euro. On sait aussi que la validation de ce plan passe, qu’on le veuille ou non, par l’adhésion de l’Allemagne. Or, pendant plusieurs mois, Angela Merkel devra se débattre à bâtir une nouvelle coalition avec les libéraux du FDP, pas très chauds pour le renforcement de l’intégration européenne. En termes brutaux, la chancelière a d’autres chats à fouetter que la refondation de l’Europe. Sur le plan intérieur, le chef de l’Etat doit s’attendre aux tirs croisés des souverainistes et de ceux qui veulent voir dans ce projet un catalogue de mesures qui passent au-dessus de la tête des citoyens.
Cela dit, l’intérêt de l’opération est ailleurs. Avec une Angela Merkel, provisoirement neutralisée par des questions de politique intérieure, Emmanuel Macron peut espérer prendre une place centrale sur l’échiquier européen. C’est d’ailleurs une ambition qu’il n’a jamais vraiment cachée. Dans les mois qui viennent, nos partenaires vont devoir se positionner par rapport à tel ou tel point du plan présenté hier à la Sorbonne. Le verdict viendra plus tard : de toutes ces propositions, combien seront infusées dans l’Union européenne ?