La réalité en face – L’édito de Patrice Chabanet
La réalité en face – L’édito de Patrice Chabanet
Jacques Chirac avait ouvert la voie. Nicolas Sarkozy et François Hollande lui avaient emboîté le pas. Emmanuel Macron l’a réaffirmé à son tour : la France a bien sa part de responsabilité dans la rafle du Vél d’Hiv. Ce rappel était nécessaire, comme d’autres le seront. La machine à réécrire l’Histoire et à produire des « accommodements », pour reprendre les propos du chef de l’Etat, est toujours prête à fonctionner. Or les faits sont là, implacables : si l’impulsion a été donnée par l’occupant, l’organisation des rafles était laissée à l’initiative des Français. Le régime de Vichy n’était pas une fiction, pas plus que l’Etat français qui en était sa devanture. L’argument de ceux qui contestent cette réalité, on le connaît : la France d’aujourd’hui n’a pas à se repentir des crimes de Vichy, car la vraie France était à Londres. Cela revient, si l’on pousse le raisonnement dans ses limites, à nier l’existence du régime du Maréchal et, partant, à l’exonérer de ses responsabilités.
C’est bien pourquoi la commémoration d’hier doit agir comme une piqûre de rappel, pour neutraliser le venin de l’oubli et du mensonge. Ne parlons pas de ces publications nauséabondes aux théories fumeuses. Elles veulent nous faire croire, par exemple, à l’humanité du régime de Vichy au motif qu’en zone libre il n’a livré « que » les juifs étrangers. Il y a quelques années, de pareils propos auraient été impossibles. Le temps qui passe et la banalisation du mal les rendent respectables, comme un avis parmi d’autres. Lamentable. Vichy – cela a été dit par plusieurs intervenants hier – n’est qu’une séquence dans un long continuum d’antisémitisme. L’affaire Dreyfus en avait montré sa virulence. De récents attentats, comme celui commis par Merah à Toulouse, s’inscrivent dans cette lignée. Il suffit de consulter les sites de la fachosphère pour prendre conscience que le mal est encore bien présent. Le discours s’est adapté sur la forme, et encore…Mais le fond abject est toujours là.