Nous vous aimons… à jamais
C’est l’histoire, en 1995, d’un jeune homme pas encore journaliste envoyé au ministère de la Santé. Son objectif : recueillir une interview de Simone Veil à l’occasion des 50 ans de la libération des camps de concentration et d’extermination. Dès son entrée dans le bureau, je n’avais plus qu’une chose à faire : me taire et écouter. Me taire car j’étais dans l’incapacité de bredouiller la moindre parole en raison, sans doute, de mon inexpérience mais surtout du fait d’avoir l’impression de côtoyer, durant quelques minutes, une personne d’exception, un témoin de l’histoire, une femme de combat. Ecouter car, pour une fois, elle avait accepté d’évoquer l’enfer de la déportation. « Avant, les gens n’étaient pas prêts » dit-elle.
Simone Veil parle alors, de manière chirurgicale, de son arrestation, des déplacements vers les camps de la mort, des enfants gazés immédiatement après avoir été séparés de leur mère, des maladies, du froid et de la déshumanisation. Sans qualificatif, sans jugement sur l’horreur vécue, elle parle d’un ton neutre. Seuls ses yeux bleus la trahissent lorsqu’elle parle de sa mère qui n’a pas survécu à l’inimaginable. Ils se remplissent de larmes et se délavent en signe d’une tristesse infinie.
Comme pour apporter une preuve de son récit, Simone Veil, vêtue d’une robe en ce printemps chaud, va jusqu’à montrer son tatouage en tendant son bras. Depuis tant et tant de décennies, elle s’est employée à le cacher que ce geste étonne. Jamais elle n’imaginera effacer ce matricule 78651 encré dans sa peau. Il fait partie de son parcours et elle ira jusqu’à le faire graver sur son épée à l’occasion de son entrée à l’Académie française.
Simone Veil est le fruit de son histoire, de l’Histoire. Femme de tête avec un sens démesuré de la justice, ses combats sont ceux d’une vie. Elle insiste pour que « vous, les futurs journalistes » ne parliez pas de la loi sur l’IVG mais de la loi sur le droit à l’avortement. La différence est notable avec ces notions de liberté, de libre arbitre et de respect des idées de chacune des femmes. Quant à l’Europe, déjà malmenée en 1995, elle était, pour Simone Veil, la meilleure invention pour éviter la folie des hommes et pour ne plus jamais revivre l’indicible.
Cette rencontre restera à jamais gravée en moi. Elle aura déterminé une partie de mes idées, de mes colères, de ce que je suis devenu et comme l’a dit Jean d’Ormesson : « nous vous aimons… à jamais ». Merci Madame.
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