Reprendre la main – L’édito de Patrice Chabanet
Ce n’est pas parce qu’on a réussi à renverser la table une
fois qu’on est assuré de renouveler l’exploit. Emmanuel
Macron a bien senti qu’une fois élu, le contexte avait très
vite changé. Et que sa bonne étoile avait singulièrement pâli.
Le chef de l’Etat a donc décidé hier de revoir sa copie, non sur
le fond, mais sur la forme. Le programme annoncé pendant la
campagne sera déroulé dans un feu continu de réformes : code
du Travail, assurance-chômage, apprentissage, formation professionnelle,
logement, baccalauréat, plan étudiant etc. L’objectif
affiché est ambitieux : transformer la société.
Mais c’est là que le bât blesse : les Français restent sceptiques
comme l’ont montré de récents sondages en berne pour l’exécutif.
La succession des réformes présente en effet un danger :
elles font apparaître un éparpillement de l’action gouvernementale,
car il manque un liant : la communication sur la
vision d’ensemble. L’opinion publique a surtout vu une somme
d’efforts demandés. Et comme chat échaudé qui craint l’eau
froide, elle s’interroge : le réconfort suivra-t-il l’effort ? Ce rôle
de communicant en chef revient forcément à Emmanuel Macron.
Il est contraint maintenant de descendre de son piédestal. C’est
lui qui a réussi le chamboulement politique le plus profond
depuis de Gaulle. C’est à lui d’assurer le service après-vente. De
toute façon, il n’aura pas le choix : l’actuelle majorité, pas assez
aguerrie, n’a pas les grands fauves capables d’affronter ceux qui
subsistent dans les différentes oppositions.
On saura très vite si les prévisions de rentrée difficile se confirment.
En 1996 déjà, certains parlaient de «septembre rouge». Il
était devenu rose clair. Le pouvoir actuel a une chance inouïe :
face à lui, il n’a aucune alternative crédible, du moins à court
terme. Un répit qu’il doit mettre à profit pour expliquer encore
et encore la stratégie qu’il entend développer. Pour le moment,
les Français voient surtout les pièces d’un puzzle.