L’incendiaire – L’édito de Patrice Chabanet
Avec lui, tout est possible, même le pire. Empêtré dans
l’affaire russe qui fait tomber ses proches, Donald Trump
utilise une vieille ficelle : détourner l’attention. Les provocations
de la Corée du Nord lui servent d’ailleurs cette stratégie
sur un plateau. Cette fois-ci, en reconnaissant Jérusalem comme
capitale de l’Etat d’Israël, il se comporte en incendiaire dans une
région du monde particulièrement volatile. L’argument selon
lequel il ne fait que réaliser l’une de ses promesses électorales
pèse peu par rapport aux conséquences prévisibles.
La première, la plus immédiate, est l’isolement des Etats-Unis sur
la scène internationale. Trump fait un bras d’honneur à ses alliés,
totalement opposés à cette démarche à la hussarde. La seconde est
le risque d’embrasement au Proche-Orient : relance de l’Intifada
et attaques contre les intérêts américains. Il y aura, on doit s’y
attendre, des effets plus pervers, plus graves aussi. La radicalisation
du président américain va apporter de l’eau au moulin d’une
autre radicalisation, celle de l’islamisme. Daech, en difficulté sur
le terrain, peut dire merci à Trump. Il ne faut pas exclure non plus
une nouvelle flambée d’antisémitisme à travers le monde, tant les
effets collatéraux de cette affaire risquent de se multiplier.
Jérusalem conserve une charge symbolique qui devrait appeler
prudence et sagesse dans un dossier rendu inextricable par l’Histoire.
Elle abrite les lieux les plus sacrés des trois religions du
Livre. Or on n’a pas entendu le Vatican se féliciter du parti pris
par Donald Trump. Ce n’est pas pour rien que l’ONU a toujours
défendu le principe de l’internationalisation. Netanyahu s’est sans
doute réjoui un peu vite de la prise de position du locataire de la
Maison-Blanche. La politique du fait accompli, car c’est bien de
cela qu’il s’agit, n’est pas sans danger. Elle tend de redoutables
ressorts qui peuvent se détendre tôt ou tard.