L’excès était sa norme – L’édito de Patrice Chabanet
L’homme était résolument border-line. Maradona qui vient de s’éteindre allait toujours vers les limites du possible. Il les franchissait parfois. Sa pratique du football n’était pas seulement un modèle du genre. Elle faisait basculer le sport dans la catégorie grand art. Ses dribbles écrivaient sur le terrain les plus belles histoires du football. Il était devenu un grand parmi les grands, aussi à l’aise en compagnie du pape que de Fidel Castro..
Maradona s’était pris au jeu de la notoriété et de la popularité. Comment résister aux lauriers tressés de toutes parts, au point d’effacer un peu la légende de Pelé ? Ce qui devait arriver arriva. A Naples, où les excès ne pardonnent pas, l’Argentin tomba dans les pièges les plus classiques : vie extra-sportive à des années lumière de la rigueur que doit s’imposer une icône du ballon rond, bonnes relations avec la mafia et usage de la drogue. La descente aux enfers était assurée. Maradona n’a pas pu se refaire dans le métier d’entraîneur. La comparaison avec ses hauts faits d’armes de joueur génial ne pouvait que l’enfoncer dans une opération survie dont il n’est jamais sorti. Ce n’est pas son passage dans un club local en 2019 qui pouvait lui sortir la tête hors de l’eau.
Enlaidi par un empâtement massif provoqué par ses excès, Maradona faisait peine à voir. Pour autant, son état ne suscitait aucun mépris, aucune raillerie. Comme si ses supporters – et bien au-delà – gardaient en mémoire ses exploits, ce qui interdit aujourd’hui de l’accabler. Avec le temps, on retiendra le « but du siècle », en 1986, face à l’Angleterre. Onze secondes pour effacer la défense britannique. Quelques minutes après avoir marqué un premier but de la main. « La main de Dieu », expliqua-t-il. Que faire contre l’intervention divine alliée au talent d’un footballeur hors pair, Diego Maradona.