En solidaire – L’édito de Christophe Bonnefoy
Il y a le virus. La crise. La violence. Les ratés. Le fameux article 24. Le stress. Le moral en berne. Une société malade, en fait.
Et parfois, une petite bulle de respiration dans un océan de sinistrose.
Leurs bateaux valent des millions. Mais leur sens de l’entraide n’a pas de prix. Les concurrents du Vendée Globe, sportifs de haut niveau s’il en est, courent, si l’on peut dire, après la victoire. Après l’exploit et les records. Mais paradoxalement, s’ils vivent leur vie – sur les flots – en solitaire, ils n’oublient pas, non plus, que le mot solidaire fait partie du vocabulaire de ce monde de la navigation.
Le sauvetage de Kevin Escoffier par Jean Le Cam dans les mers déchainées du Sud est le type même de la belle histoire, certes sur fond de potentiel drame – le naufragé était voué à une mort certaine s’il n’avait pas été secouru – qui remet les valeurs humaines au centre du jeu.Ici, on oublie les sponsors, les enjeux financiers et la gloire. Aucune question à se poser. Juste un éclair : une vie à sauver, le reste n’est plus que secondaire. Plus tard, on pourra en faire un livre. Ou un film. Un bateau qui se brise, un marin sur son radeau, tête d’épingle au milieu des flots et le quasi-miracle d’un autre marin qui vient tendre la main. « Vous avez déjà vu des films de naufrage ? Eh bien c’était pareil, en pire ». Les propos de Kevin Escoffier montrent à quel point la manœuvre n’avait rien d’une sinécure. Combien elle était risquée.
Ce sauvetage vient rappeler qu’on peut, qu’on doit, toujours se souvenir qu’on n’est jamais seul. Même en solitaire. D’ailleurs, une fois la course terminée, se souviendra-t-on plutôt de l’unique vainqueur ou de ce geste essentiel d’un humain qui vient en sauver un autre ?