Les parents d’Axel Clerget vivent en direct la quête d’or de leur fils en judo à Tokyo
Samedi 31 juillet 2021, Agnès et Francis Clerget avaient juste prévu de suivre leur fils Axel à la télé, tranquillement, seuls chez eux.
Un moment de grâce. C’est exactement cela : un instant à part, rétif à tout récit, à toute explication. Un “quelque chose” qui ne se vit qu’au présent, mais que le présent est incapable de comprendre. Dans le “juste après”, on devine confusément « qu’il l’a fait ». Quoi exactement ? C’est trop tôt pour en parler : « Je ne réalise pas ».
Reprenons. La scène se passe samedi matin, dans le minuscule salon du discret pavillon de la famille Clerget, à Saint-Dizier. Agnès et Francis sont assis côte à côte au creux du canapé gris, entouré de murs gris, ce qui met en valeur les photos de leurs enfants.
Ils n’ont rien prévu de spécial, pour cette matinée normale. Ils sont seuls chez eux. Rien à part regarder à la télé «le gamin» en judogi bleu qui va dire son fait à un Japonais un peu trop sûr de lui. Comme si c’était normal que votre fils aille disputer une médaille olympique, au Japon, contre les Japonais, dans le temple absolu du judo.
Lorsqu’Axel apparaît à l’écran, Francis constate, serein, au premier regard : «Il est bien mieux que mercredi. Ça se voit ».
Ça se voit ? A quoi ? C’est juste que c’est le père que le regarde ; avec ses yeux de père ; après des millions d’heures passées ensemble. Ce qu’il voit lui, vous et moi ne le verrons jamais.
Peu importe. Il a raison. Le Japonais tombe. 2-0.
Là, dans le salon des Clerget, non seulement on lève les bras, mais on se dit que peut-être, ça pourrait le faire, finalement. Le «gamin» vient de réaliser un colossal exploit qui confirme son équipe et tout un pays sur les bons rails.
Vous connaissez la suite de l’histoire au Japon. Au dénouement, Francis et Agnès lèvent les bras, juste sous la photo des enfants. Les yeux se troublent à peine, vers le rouge. La gorge se serre à peine. Ils sont heureux comme le sont les gens modestes lorsque les gagne le sentiment du devoir accompli. Ils ne disent pas « on a gagné ». Ils disent toutes les épreuves qu’Axel a surmonté. Ils ne crient pas, ne sautent pas, ne vouent pas les Japonais aux gémonies et encore moins « Il est le meilleur ». Ils disent : « il a beaucoup travaillé ; il s’est accroché dans la tourmente ».
Ils ne sabrent pas le champagne en rameutant les voisins ; ils sont tous les deux, calmement, à repasser en accéléré le film de leur vie, les sacrifices, l’éducation, les valeurs. Toutes ces années, tellement denses, tellement fortes, épuisantes qui viennent de trouver leur juste aboutissement à l’autre bout du monde, avec à jamais une médaille d’or accrochée au nom Clerget.
Le téléphone sonne. C’est la famille, justement. Et personne ne trouve les mots pour dire d’indicible. Mais dans les gorges qui se serrent, dans les voix qui tremblent, dans les silences, ils font passer tellement de choses.
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