Profanation – L’édito de Patrice Chabanet
Honte à ceux qui, y compris en France, veulent nous faire croire que le populisme est une forme d’expression politique tout aussi respectable que les autres. Ils jouent habilement sur les mots : le populisme renverrait au concept de peuple, une valeur sûre de la démocratie. Les Américains ont su trouver un mot plus approprié pour définir le camp des populistes partis à l’assaut du Capitole : « Mob ». Traduction française : la populace. C’est bien de cela qu’il s’agit. Rien à voir avec la revendication d’un peuple lancé dans la conquête de sa liberté et de nouveaux droits. Les images ont parlé: une cohorte de déjantés, de racistes et de néonazis.
La responsabilité de Trump est écrasante. C’est lui qui a chauffé à blanc ses partisans. Et pas seulement avant l’attaque du Capitole. Il n’a jamais cessé de contester la victoire de Biden. Il a systématiquement surfé sur le mécontentement des couches populaires qui, lui, est bien réel. Ses bons résultats économiques ne sauraient justifier ses errements et sa paranoïa aiguë. Une société ne saurait se réduire aux performances des marchés boursiers. Les grands patrons d’outre-Atlantique ont d’ailleurs appelé Trump à arrêter le chaos. Compte aussi la vitalité démocratique. Or attaquer le Congrès a constitué une véritable profanation de ce qu’il y a de plus sacré dans le pays de Lincoln.
Fort heureusement, les émeutiers ne sont pas parvenus à leurs fins. La haine et la bêtise à l’état pur n’ont jamais constitué un programme politique. On peut quand même regretter que cette mauvaise séquence ait duré quatre heures, avec des forces de l’ordre en sous-effectifs et étrangement placides. Une enquête devra établir les responsabilités de ce laxisme dans un moment devenu historique.
Ce qui est arrivé à Washington ne concerne pas seulement les Américains. Toutes les démocraties de la planète ont pris conscience du danger que représente le populisme. Après la fureur des mots et des anathèmes peuvent surgir la violence et la volonté d’imposer ses idées par la force et de mettre fin au pluralisme. On ne pourra plus dire, en Amérique comme en Europe : on ne savait pas.