D’une vie à l’autre – L’édito de Christophe Bonnefoy
Jamais, peut-être, le passage de relais entre deux présidents américains n’aura à ce point été scruté par le monde entier. Et bizarrement, ce n’est pas l’instant T que chacun attend. Car de cet instant, on retiendra surtout une absence. Demain, Donald Trump laissera donc les clés de la Maison-Blanche à Joe Biden. Mais au moment où le démocrate deviendra le tout-puissant chef de la grande Amérique, le républicain déchu sera ailleurs. Son esprit sera sans doute aux regrets, à la colère, à la rage. Et d’une certaine façon encore un peu à Washington. Mais il aura déjà entamé sa nouvelle vie du côté de la Floride.
Une nouvelle vie peu commune. On a l’habitude avec Trump. Traditionnellement, on imagine les anciens présidents, aux Etats-Unis ou ailleurs, digérer assez vite la défaite pour partir voguer vers des océans un peu moins tourmentés qu’un mandat politique. Qui plus est à la tête de la première puissance mondiale.
Même dans l’après, Trump fera différemment. Contre son gré, pour le coup. Celui qui n’eut pendant quatre ans dans son cercle restreint que des amis – ou pour le moins des partisans aux ordres – se voit depuis sa défaite cibler de toute part. Le fruit, peut-être, d’une personnalité qui avait effacé le mot « scrupule » du vocabulaire. Lui qui avait pris l’habitude d’attaquer violemment tous les malotrus venus dénoncer ses excès devra désormais… se défendre. Son empire est menacé. Ceux qui le soutenaient ne sont plus tous là. Les banques le lâchent. D’autres, qui se retenaient jusqu’alors de l’affronter, par crainte ou par calcul, vont sûrement très vite tenter d’achever l’animal, notamment via les procédures judiciaires. Trump semblait intouchable. Il est peut-être maintenant d’une incroyable fragilité.