Routes à 90 km/h : le bilan un an après
Il y a un an, le Département de la Haute-Marne était le premier à faire le choix de repasser une partie de ses routes à 90 km/h : 15 axes pour 476 kilomètres dans la première phase. Si 2020 ne peut pas être une année de référence en matière d’accidentologie, Nicolas Lacroix, le président du conseil départemental, ne regrette en rien sa décision.
Il y a un an, la Haute-Marne essuyait les plâtres. C’était le premier département à avoir saisi la possibilité de remettre certaines routes départementales à 90 km/h. La première étape a concerné 15 axes représentant 476 kilomètres de routes. On sait que depuis, une deuxième vague, a permis d’ajouter l’été dernier 17 nouveaux axes et 280 kilomètres de plus, soit un total de plus de 760 kilomètres : 20 % du réseau routier départemental. Nicolas Lacroix l’a dit. Il le confirme. Il prône aujourd’hui la stabilité. Il n’y aura pas de nouvelles routes départementales qui connaîtront un retour à 90 km/h. Quel bilan tire-t-il de sa décision ? Nicolas Lacroix dit qu’il n’a pas de regret et qu’il assume toujours ce choix, salué par les usagers mais qui avait reçu un avis négatif et critique de la commission départementale de sécurité routière. Il était attendu au tournant. « Sur le réseau prioritaire, on doit avoir zéro défaut », rappelle Nicolas Lacroix qui explique comment les agents des routes du Département se sont réorganisés pour être encore plus présents sur ces routes. » Les axes visés n’ont pas fait l’objet de travaux d’aménagement particuliers, « c’est un réseau adapté et structurant », dit le président du conseil départemental. En 2021, un plan devrait néanmoins permettre de déployer des doubles glissières sur certaines portions.
Pas une année de référence
Sur un total de neuf personnes ayant trouvé la mort sur les routes du département en 2020, trois accidents mortels sont à déplorer sur le réseau départemental repassé à 90 km/h sans que la vitesse d’ailleurs ne soit mise en cause. Mais, avec deux confinements puis des couvre-feux, en matière de sécurité routière, l’année 2020 ne peut pas être une année de référence.
C. C.
Quelques chiffres. Pour concrétiser la remise à 90 km/h de certaines routes, le Département a dû investir dans des panneaux. Il a fallu en installer 576. Coût global de l’opération : 270 000 €.
Des émules. À ce jour, ce sont entre 25 et 30 départements qui ont pris la décision, comme la loi le leur permet, de repasser une partie de leur réseau routier à 90 km/h. Chez nos voisins, c’est le cas pour la Côte d’Or. Depuis le 1er janvier, l’Aube propose 225 km de routes repassées à 90 km/h. Dans les Vosges, c’est en cours progressivement depuis le 15 janvier. Un projet est à l’étude dans la Marne.
Nationales, ça ne bouge pas. Les routes gérées par l’État, dont l’épine dorsale de la Haute-Marne, la RN 67, restent à 80 km/h. C’est le cas aussi pour la RN 19 (Langres-Vesoul) elle aussi très fréquentée. Rappelons qu’on n’a pas toujours roulé à 80 km/h sur ces routes : la mesure n’est en vigueur que depuis le 1er juillet 2018. La difficulté est souvent relevée par les automobilistes : faire attention au changement de limitation vitesse alors que l’on peut se trouver sur une même route. C’est le cas notamment sur la RN 19. Avant Rolampont, dans le sens Chaumont Langres, on peut rouler à 90 km/h mais plus après…
Ce qu’en pense la gendarmerie
Le colonel Luzet, commandant du groupement de gendarmerie de la Haute-Marne, revient sur cette hausse de la limitation de vitesse et nous livre son analyse.
« Nous pouvons d’emblée annoncer que l’année 2020 ne pourra pas servir de référence du fait principalement de l’impact de la crise Covid 19 sur la circulation routière en Haute-Marne. Les mesures sanitaires successives ont modifié notablement les flux habituels de la circulation routière. Notamment pour la première période de confinement du fait de la cessation de quasiment toute l’activité économique et donc d’une grande partie des flux de la circulation », indique le colonel Luzet. Pour ce qui est de « l’accidentalité » en zone gendarmerie en 2020, « avec 83 accidents corporels enregistrés, 9 tués et 117 blessés, le bilan est plutôt mitigé par rapport à 2019. En effet, nous constatons le même nombre d’accidents corporels, -1 tué et 17 blessés supplémentaires (le nombre de passagers étant en augmentation dans les accidents). Donc en relativisant par rapport à une année « normale », je constate que ces chiffres sont tout de même élevés. Il est vrai que l’accidentalité a été très faible pendant la première période de confinement (même constat pour le bilan répressif), mais on peut constater un relâchement aux mois de mai, juin et juillet avec une reprise marquée de l’accidentalité (30 accidents corporels). L’engagement des unités n’a en revanche pas faibli pendant les périodes de confinement, il a même été légèrement supérieur à une période normale, mais avec beaucoup moins de verbalisation du fait de la baisse importante du trafic routier. La majorité des accidents corporels a été constatée principalement sur le réseau secondaire », précise le commandant de groupement. Sur la mesure du retour à 90 km/h, le colonel Luzet souligne que les effets induits par ce changement de portage ne peuvent pas être évalués sur l’année 2020.
Pour autant, l’accidentalité est de manière absolue plus élevée qu’en 2019, les comportements déviants (vitesse excessive principalement) sont constatés sur l’ensemble du réseau routier (particulièrement après le 1er confinement, avec des retraits de permis en nombre), les usagers peuvent éprouver des difficultés à la bonne compréhension des limites de la vitesse, notamment pour ceux en transit dans le département.
Sur la position de la gendarmerie sur le retour au 90 km/h, mon prédécesseur s’est effectivement prononcé défavorablement à cette mesure. En effet, il lui semblait difficile de tenir une position autre quand les études démontrent de manière formelle qu’une élévation de vitesse augmente notablement le facteur risque en cas d’accident sur les occupants d’un véhicule. (…) Difficile de tenir une autre position quand notre action en la matière vise la prévention des accidents, en réduisant notamment les facteurs aggravants (vitesse excessive, conduites addictives…). »