Vieux réflexes – L’édito de Christophe Bonnefoy
Le communisme de grand-papa a encore de beaux restes, si l’on peut dire. Certes, la Russie n’est plus l’URSS. Evidemment, d’une opacité totale, on est passé à une transparence apparente. Mais déguisée, ne nous leurrons pas. On n’interdit plus totalement les manifestations, on les enrobe de mises en garde fermes, synonymes d’arrestations arbitraires et d’un placement (presque) d’office entre quatre murs. Pour des temps plus ou moins longs. Et après – avant, même, parfois – des procès qui n’en ont que le nom.
Ça n’a pas raté hier. Les opposants à Vladimir Poutine – les défenseurs d’Alexeï Navalny, pour le coup – ont bravé les menaces du pouvoir. Et ont été arrêtés par milliers, à travers tout le pays. C’est anecdotique mais révélateur d’un vent de liberté qui a depuis longtemps perdu de sa force, à Moscou, les matraques de la police ont répondu au jet de boules… de neige de la part des manifestants.
Reste que la gronde est loin d’être un épiphénomène au pays du tout-puissant Poutine. Le cas Navalny n’est pas isolé et la contestation n’hésite plus à investir la rue malgré le danger. En outre, elle s’inscrit dans un contexte international qui n’a jamais totalement enterré la Guerre froide. Elle est devenue un peu plus tiède, les lignes se sont légèrement déplacées, mais on a, toujours, sous-jacente, l’opposition des deux blocs des années 60. Témoin, hier, les explications exigées par Moscou après la publication par l’ambassade américaine des itinéraires des manifestations. Pour conseiller aux ressortissants américains de ne pas se rendre sur le parcours, selon Washington. Pour encourager les contestataires, selon Moscou.
Les temps changent. Les acteurs aussi. Mais sur le fond, rien n’a vraiment évolué…