La contestation de trop – L’édito de Patrice Chabanet
La lutte contre la pandémie ne cesse d’exacerber les tensions entre les partisans de la vaccination et ses opposants. Bataille de mots, bataille d’arguments. Quoi de plus normal dans un pays où la querelle reste le mode d’échanges privilégié. Là où les bornes sont dépassées, c’est quand la violence s’invite. Plus grave encore : lorsque ces violences s’exercent contre les élus. Les responsables des groupes politiques ont senti le danger. Hier, ils sont arrivés unis à l’Assemblée pour afficher leur détermination face « à la montée de la haine ». Rien ne serait plus naïf que d’y voir de simples débordements de colère. Ce sont les fondements mêmes de nos démocraties qui sont menacés, avec la remise en cause des instances représentatives.
On connaît l’argumentaire de ceux qui menacent, qui taguent ou qui s’en prennent physiquement aux élus : la vox populi doit primer en toutes circonstances sur le système électoral, rendez-vous trop espacé dans le temps pour faire face à l’urgence. Peut-on parler pour autant d’anarchie ? Ce serait oublier les grandes heures de l’anarchisme, en Russie en particulier. Paradoxalement, il s’inscrivait dans une certaine logique, définie par des penseurs patentés comme Bakounine. Rien de tel, chez nous, où l’on serait bien en peine de trouver le fil conducteur dans la pensée de ceux qui ont agressé le député de Saint-Pierre et Miquelon.
A la décharge des contestataires, même des plus violents, la parole publique est difficile à suivre, dans le méli-mélo des ordres et des contre-ordres. Le divorce entre les élites et le peuple n’a jamais été aussi profond. Un fossé où s’engouffrent tous les excès. La démocratie a besoin d’une refondation, avant qu’elle ne devienne une proie pour ses détracteurs. Il en va non seulement de la sécurité de nos élus. Mais aussi de leurs vies.