Comme au cinéma – L’édito de Patrice Chabanet
La série continue : après les deux adolescents tués dans l’Essonne, c’est un troisième qui a été mortellement blessé en Seine-Saint-Denis. Le déroulement des faits n’est pas de même nature : règlement de comptes d’un côté, véritable exécution de l’autre. Dans les deux cas, un même constat effrayant : les auteurs de ces crimes donnent l’impression et se sont donné l’impression qu’ils rejouaient une scène vue au cinéma ou à la télévision. Ils n’ont pas perçu la portée de l’acte qu’ils allaient commettre. C’est seulement le visage de la mort et l’impact dans l’opinion publique qui les a sortis de leur délire meurtrier. D’ailleurs, ils se sont rapidement rendus à la police. Dans l’Essonne, c’est accompagné de ses parents que l’un des auteurs est venu raconter son forfait aux policiers. Finie l’imitation des adultes, retour à la réalité de l’adolescence, pour ne pas dire l’enfance. Une enfance plombée par le crime et le sang. Un avenir qui se confinera plusieurs années durant entre les murs d’une prison.
D’où vient cette emprise du virtuel sur le réel au point de l’engloutir complètement jusqu’au geste fatal ? Les réseaux sociaux, très prisés des jeunes, légitiment ce qui constitue la trame de la violence qui se diffuse à tous les étages de la société. Les évènements que l’on déplore naissent souvent d’altercations verbales dans la rue ou sur le Net. On se provoque, on se cherche, on se donne rendez-vous dans telle ou telle cité. Le mauvais film continue ; on sort la barre de fer, la batte de base-ball ou le revolver. Ce qui n’était qu’un mauvais scénario se transforme en drame. Difficile d’imaginer une parade à un phénomène qui se joue en temps réel. En soi, l’organisation en bande n’est pas interdite tant que des infractions n’ont pas été commises. On en revient toujours aux mêmes recommandations : réguler les réseaux sociaux (vaste programme…) et renforcer le rôle de l’Education pour protéger les jeunes du mirage du western ou du mauvais roman policier. On ne tue pas autrui pour un regard de travers ou pour une insulte sur le Net.