Irréversible – L’édito de Christophe Bonnefoy
Ce ne sont que des enfants. Mais capables de la même sauvagerie que les adultes. Des enfants. A 15 ans, on pense pouvoir soulever des montagnes. Tout juste arrive-t-on à gravir les premiers reliefs. Et encore. En trébuchant, le plus souvent.
Reste que dans la société d’aujourd’hui, à 15 ans, certains se sentent visiblement assez forts – ou sont surtout suffisamment irresponsables -, pour franchir ces barrières qui ouvrent la porte vers le pire. La victime frappée, puis jetée à l’eau et morte noyée à Argenteuil, dans le Val-d’Oise, avait 14 ans. Ses deux bourreaux, du même lycée, guère plus. Les causes de l’escalade meurtrière étaient peut-être futiles. Les conséquences sont terribles. Et irréversibles.
Sur fond de possible harcèlement ou de rivalité amoureuse et de dénigrement via les réseaux sociaux, on est passé de ce qui était probablement une simple rancœur entre ados, à ce que la Justice qualifie de meurtre. On est en effet loin de ce que quelques-uns essaieront sûrement de faire passer pour un accident. Ou comment, désormais, on en est arrivé à ne même plus pouvoir préserver, au moins le temps de l’innocence, les plus fragiles – les enfants – des dérives réservées, si l’on peut dire, aux adultes.
Ce drame repose la question du harcèlement chez les plus jeunes. Il est loin d’être un épiphénomène, particulièrement en milieu scolaire. Tout comme n’est pas anodin le rôle qu’y jouent les réseaux sociaux. Vecteurs de haine parfois, ils alimentent indirectement, et avec une facilité désarmante, l’escalade vers des actes sans retour. Bien caché derrière un écran, à coups d’insultes et de menaces. Jusqu’à passer à l’action. Comme un jeu. Sauf que ça n’en est pas un.