Manque d’émotions – L’édito de Christophe Bonnefoy
Et la culture dans tout ça ? On peut bien s’en passer. On doit. C’est d’ailleurs ce qu’on fait depuis le premier jour du premier confinement. Contre mauvaise fortune bon cœur, on se résigne et on s’en passe. Plus précisément, si on peut encore suivre quelques artistes via les réseaux sociaux ou tout simplement ouvrir un bon livre, “comme avant”, il faut bien avouer que partager, en même temps, les mêmes instants, les mêmes émotions avec quelques milliers d’autres spectateurs est un plaisir qu’on a aujourd’hui relégué aux oubliettes. Ou presque.
Mais au manque du public répond, aussi et peut-être surtout, la détresse du monde de la culture. Cette détresse des artistes, des intermittents… de tous ceux qui nous offrent – ou nous offraient – une respiration chaque jour, chaque semaine, chaque mois. Et si, en forçant l’optimisme, on peut espérer une sortie de pandémie à moyen terme, il suffit d’égrener, une à une, les annulations de festivals d’été – entre autres – pour comprendre qu’on est encore loin de retrouver cette fameuse vie d’avant.
En ce sens, l’occupation de lieux culturels un peu partout en France donne la mesure de l’inquiétude d’un secteur qui se sent peu à peu mourir. Comme d’autres. Un ras-le-bol ? On peut aussi le dire comme cela. Un sentiment, en tout cas, d’être oublié. Qu’on ne fait pas l’effort nécessaire pour remettre la machine en marche, même à vitesse réduite.
Sauver des vies. Avant tout. Le monde de la culture le comprend aisément. Mais il sait, aussi, qu’une reprise des spectacles n’est pas une utopie, si elle est adaptée à la situation sanitaire. Pour reprendre pied économiquement, bien sûr. Mais également remettre un peu de couleur dans le quotidien. C’est toute l’essence du spectacle vivant, justement. Et pour ceux qui en sont les acteurs, et pour ceux qui en sont les spectateurs.