Enfoncer le clou – L’édito de Patrice Chabanet
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Les 100 premiers jours d’une présidence sont déterminants. Ils »impriment » comme on dit aujourd’hui. Joe Biden l’a compris. Il a sorti le grand jeu des plans de relance et d’investissement, des réformes fiscales et des vaccinations massives. Un flot de dollars injecté dans les veines de l’économie américaine. De quoi bluffer la gauche européenne, la française en particulier. La forte augmentation du salaire minimum et celle de la fiscalité des hauts revenus battent en brèche la longue tradition libérale initiée par Ronald Reagan. Biden enfonce donc le clou qu’il avait planté pendant la campagne électorale.
Pour autant, il serait naïf de voir dans ce virage, qu’on pourrait qualifier d’idéologique, un élan de générosité dont nous pourrions attendre des retombées. Le premier souci de Biden, comme chez son prédécesseur, est de privilégier les intérêts américains. Ainsi la partie reconstruction des infrastructures sera dévolue aux seules entreprises d’outre-Atlantique.
Maintenant s’ouvre le cycle des 100… prochains jours. La majorité démocrate est faible au Congrès. On peut donc prévoir de sérieuses résistances du côté républicain et même d’une partie des élus démocrates hostiles au virage à gauche négocié à toute vitesse par Joe Biden. Reste aussi ouverte la question des équilibres, ou plutôt des déséquilibres budgétaires, et des risques d’inflation. Certes l’Amérique peut se permettre des excès interdits aux autres pays. C’est le privilège d’une puissance qui reste impériale. Mais le déversement de torrents de dollars peut favoriser la réémergence de bulles financières. On en connaît les risques ;
Mais soyons beaux joueurs. Biden ose, avec une certaine démesure, ce que les dirigeants européens n’ont pas eu l’audace de faire. Et qui se plaindra de son attitude ferme vis-à-vis des Chinois et des Russes ? Moscou s’y prendra sans doute à deux fois avant d’intervenir en Ukraine. C’est rassurant pour nous Européens, même si chez Biden il faut y voir moins la volonté de resserrer les liens avec le Vieux Continent qu’un retour du leadership américain. Profitons de ces intérêts communs.