Du lourd et du brutal – L’édito de Patrice Chabanet
Habituellement, les élections dites intermédiaires suscitent peu d’intérêt. On pouvait craindre que cette année encore elles ne fassent peu recette. Le verdict tombera fin juin. En attendant, la campagne s’est échauffée. On l’a vu en Région PACA. Brusque poussée de fièvre, aussi, dans les Hauts-de-France, avec la candidature d’Eric Dupond-Moretti. Le pénaliste le plus célèbre du pays n’y a pas été avec le dos de la cuillère. Il a dirigé un tir puissant contre Marine Le Pen qu’il refuse de considérer comme présidente du Rassemblement national, mais du Front national. Une façon de lui faire porter l’héritage de son père et de démanteler le processus de dédiabolisation auquel elle s’est attelée. La riposte n’a pas tardé : Marine Le Pen s’est fait un plaisir de rappeler que d’autres poids lourds – Tapie et Mélenchon – avaient essayé en vain de la déboulonner.
Le combat ne fait que commencer. Dupond-Moretti cherche l’affrontement, convaincu que sa pugnacité lui permettra d’avoir le dessus. Rien n’est moins sûr. Son arsenal rhétorique qui a fait merveille dans les tribunaux sera-t-il bien adapté au champ politique, avec sa logique et ses codes ? Son engagement passionné et passionnel dans la joute électorale ne risque-t-il pas de l’affaiblir dans son nouveau métier, ministre de la Justice ? On peut penser qu’il a mesuré ces enjeux. On peut imaginer également qu’Emmanuel Macron l’accompagne dans sa démarche et qu’il l’a même inspirée. La bataille des Hauts-de-France constitue un terrain de manoeuvre pour la mère des batailles, la présidentielle de 2022. Pendant que le projecteur est braqué sur le duo Moretti-Le Pen, il laisse dans l’ombre Xavier Bertrand. Du billard à trois bandes.
Les optimistes diront que la polémique, même violente, est un signe de bonne santé démocratique. Les pessimistes y verront une preuve de plus du délabrement politique de notre régime. Les incontournables sondages nous le diront bientôt. La véritable évaluation, elle, viendra des urnes. Elle seule nous dira quelle a été la meilleure stratégie. On peut quand même affirmer dès à présent que la majorité présidentielle joue gros dans un jeu incertain.