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A couteaux tirés – L’édito de Patrice Chabanet

La période est à l’inédit. Une épidémie qui se joue des parades et rejaillit là où elle semblait vaincue. Une Justice tourneboulée par des initiatives qui peuvent rendre pantois. Qui aurait pu imaginer, il y a seulement quelques mois, qu’un garde des Sceaux puisse être mis en examen ? Maintenant, c’est chose faite. Avec le temps et les stratégies politiques, les usages changent. Hier, toute mise en examen d’un ministre se traduisait par sa mise en retrait. Aujourd’hui, la présomption d’innocence l’emporte sur toute autre considération.

La Cour de justice de la République a fondé la mise en examen d’Eric Dupond-Moretti sur la notion de « prise illégale d’intérêts ». En clair, il est soupçonné d’avoir utilisé son statut ministériel pour intervenir dans d’anciens dossiers où il était partie prenante quand il était avocat. Sa verve aidant, il avait accusé alors certains magistrats d’utiliser des « méthodes barbouzardes ».

Il ne faut pas être dupe. Cette affaire illustre une fois de plus la guerre larvée qui oppose le pouvoir judiciaire au pouvoir exécutif. Elle se nourrit non seulement d’arguments juridiques mais aussi d’animosité parfois viscérale. De tous temps, les magistrats n’ont jamais accueilli avec un enthousiasme délirant que la fonction de garde des Sceaux soit confiée à un avocat. Comme Eric Dupond-Moretti n’a pas l’autorité diplomatique d’un Robert Badinter il était gagné d’avance qu’il y aurait des étincelles. L’ennui est que le grand public, relayé en cela par les réseaux politiques, retient surtout le côté règlement de comptes : la haute magistrature aurait gardé pour Eric Dupond-Moretti un chien de sa chienne Or, sur le fond, demeure la question centrale de l’équilibre des pouvoirs. Il a toujours été plus ou moins malmené, souvent de manière feutrée. Cette fois-ci, la bataille d’influence est plus ouverte. Pas très bon pour la démocratie au moment où elle traverse une mauvaise passe.

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